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Sainte-Anne-d'Auray, 400 ans de miracles

Cette année, nous célébrons la troisième et dernière année du quatrième centenaire des apparitions de sainte Anne à Yvon Nicolazic, qui ont eu lieu de 1623 à 1625.

Sanctuaire de Sainte-Anne-d'Auray / © Jean-Christophe BENOIST, CC BY 4.0, via Wikimedia Commons.

Au Moyen Âge, on savait qu’une ancienne chapelle dédiée à sainte Anne avait été démolie vers 700, dans le champ du « Bocéno », au hameau de Keranna (« village d’Anne »), près d’Auray dans le Morbihan, la terre aux 1 000 clochers. Au début du XVIIe siècle, ce champ appartient à Yvon Nicolazic, homme bon et pieux. Celui-ci, un soir d’août 1623, voit apparaître une lumière de laquelle émerge un « flambeau tenu par une main ». Il tombe à genoux. La clarté disparaît quelques instants plus tard. Six semaines passent. Yvon prie dans le champ du Bocéno depuis un bon moment, lorsqu’il s’aperçoit que la nuit tombe. Il prend le chemin de sa maison, mais l’obscurité devient totale. Soudain, une grande lumière apparaît près de lui. Elle suit ses mouvements et lui ouvre le chemin jusqu’à chez lui. Ce phénomène se reproduira plusieurs fois et aura des témoins, dont le beau-frère d’Yvon et des voisins. On constate à cette époque des lueurs mystérieuses dans le champ du Bocéno. Un soir de l’été suivant, Yvon et son beaufrère emmènent leurs boeufs boire à la fontaine. Soudain, les bêtes sont prises de panique. Les deux hommes voient apparaître une « belle dame vêtue de blanc », pleine de majesté, tenant un flambeau, juste devant la fontaine. Cette « dame » va réapparaître dans les semaines suivantes, sans jamais prononcer un mot.

Perturbé, Yvon informe le recteur du village. Ce dernier se montre très réservé. Dans la soirée du 25 juillet, Yvon rentre de l’église après une cérémonie. Sur le chemin, il aperçoit la « belle dame ». Il s’enfuit et s’enferme chez lui. Il ne parvient pas à s’endormir. La dame apparaît alors près de lui et dit : « Yves Nicolazic, ne craignez pas, je suis Anne, mère de Marie. » Puis elle lui demande d’aller trouver le recteur et de lui expliquer qu’une chapelle était jadis érigée en son nom dans le champ du Bocéno. « Il y a 924 ans qu’elle est en ruine et je désire qu’elle soit reconstruite, car Dieu veut que j’y sois honorée », ajoute-t-elle. Dès le lendemain, l’homme pieux se rend chez le curé pour lui exprimer le voeu de sainte Anne. Mais le prêtre lui ordonne de ne plus parler de cette histoire. Yvon rentre chez lui totalement dépité.

La nuit suivante, sainte Anne lui apparaît de nouveau. Le pauvre homme lui fait part de la réaction du prêtre. Elle lui demande de lui faire confiance, d’aller chercher ses voisins pour l’accompagner, en disant : « Un flambeau vous guidera dans la nuit jusqu’à un endroit précis, et là vous creuserez. Vous trouverez alors quelque chose qui fera que l’on vous croira. » Le flambeau surgit alors devant les yeux d’Yvon. Celui-ci court prévenir le voisinage. Il revient accompagné de quatre hommes et de son beau-frère. Tous voient le flambeau, sans aucune possibilité d’erreur. La lueur commence à avancer sur le chemin et guide le groupe jusqu’au champ du Bocéno. Là, une lumière « surnaturelle » désigne un point précis dans la terre. Interloqués, les hommes creusent à cet endroit. Peu après, ils découvrent une vieille statue de bois légèrement rongée par l’humidité. « C’est sainte Anne ! » s’écrie Yvon. Ils observent quelques traits de peinture dorée à sa surface.

Le lendemain, persuadé que le curé le croira dorénavant, Yvon se rend à l’église. En vain, le curé reste inflexible ! Quelques jours plus tard, alors que Yvon est en prière, la statue irradie une lumière merveilleuse. Malgré la désapprobation du curé, ces faits commencent à faire du bruit dans la localité et les premiers pèlerins accourent. L’évêque de Vannes, Mgr Sébastien de Rosmadec, est informé et s’émeut. Il met sur pied une commission d’enquête. Yvon et plusieurs témoins sont interrogés. Constatant la bonne foi et la transparence d’Yvon qui appelle sainte Anne « la bonne maîtresse », le prélat décide de reconnaître le prodige et autorise la construction d’une chapelle sur le lieu de la découverte de la statue. Les Carmes de la région prêtent assistance à ce chantier.

Le 26 juillet 1625, une foule se réunit pour la première messe de célébration. Quant au curé incrédule, il sombre dans la folie jusqu’à ce qu’un ami lui conseille de faire une neuvaine à sainte Anne. L’homme de Dieu se repent et devient un fervent défenseur du pèlerinage.

Dès les premières années, des centaines de miracles sont rapportés : guérisons, conversions, sauvetages… Le lieu attire bientôt des dizaines de milliers de pèlerins chaque année. Au XVIIIe siècle, la chapelle, devenue trop petite, est ruinée pendant la Révolution, puis démolie afin de permettre l’édification d’une vaste basilique en 1865. La construction, de style néogothique, achevée en 1872, est élevée au rang de basilique mineure en 1874. Quelques années plus tôt, en 1866, Mgr Jean-Marie Bécel, évêque de Vannes, obtint du pape Pie IX l’autorisation de couronner la statue de sainte Anne le 30 septembre 1868, en présence des évêques de Bretagne et de 60 000 pèlerins. En 1912, les évêques bretons adressent une supplique au Saint-Siège pour introduire l’invocation de sainte Anne dans la litanie des saints, avant sainte Marie-Madeleine. Saint Pie X accède à leur demande. Deux ans plus tard, le 26 juillet 1914, la mère de Marie est consacrée patronne de la Bretagne, rejoignant saint Yves de Tréguier, patron de la région depuis la fin du Moyen Âge. En 1996, saint Jean-Paul II se rend à Sainte-Anne- d’Auray, devenant le premier pape à fouler le sol breton. Le sanctuaire breton est aujourd’hui le troisième lieu de pèlerinage de France, après Lourdes et Lisieux.

L’année 2025, dernière année du 400e anniversaire des apparitions de sainte Anne en terre morbihannaise, est aussi celle du Jubilé de l’espérance. N’oublions pas de placer toute notre confiance en la mère de Marie, fêtée le 26 juillet, et en tous les saints du Ciel qui veillent sur nous !

Patrick Sbalchiero

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