Mariette Kerbage, la petite servante de Dieu

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Geneviève et Jean-Claude Antakli : Nous nous connaissons depuis bientôt quarante ans. Je me demandais en venant une nouvelle fois chez vous, au couvent de la Sainte-Eucharistie, comment avait évolué votre foi depuis le début officiel des apparitions en 1982 ?

Mariette Kerbage : En réalité, les apparitions n’ont pas commencé en 1982 ! Dès l’âge de cinq ans, j’avais l’habitude d’aller avec d’autres enfants de mon quartier à l’église. J’entendais souvent une voix intérieure qui me disait : « Au début était la Parole, et la Parole était à Dieu, et la Parole était Dieu lui-même. » Je ne comprenais rien, bien sûr, et je demandais à mes petits amis ce que cela voulait dire, car j’avais la conviction intime que les autres enfants entendaient la même voix ! Plus tard, vers sept ou huit ans, à l’école, seul le dessin m’intéressait. La maîtresse me reprochait souvent mon manque d’application. Un jour, j’ai cru sentir une présence, une chaleur qui me frôlait la joue, et une voix m’a murmuré : « Quand tu grandiras, tu pourras dessiner ce que j’ai créé. » Puis, à quinze ans, quand j’allais à la messe, au moment de la consécration, je voyais clairement Jésus au-dessus du calice que le prêtre soulevait. Il ressemblait à un beau jeune homme de vingt ans, et je croyais vraiment que le prêtre le voyait comme moi.

Avez-vous songé à en parler autour de vous ?

Non, pas au début. J’étais persuadée que c’était normal, que je n’étais pas la seule à voir et entendre ce genre de manifestations. Ma mère me rappelait souvent : « Mariette, quand tu as un souci, tu te confies à la Vierge, elle saura bien mieux te guider que moi ! » Elle me parlait de la Vierge comme d’une personne. Voyant ma profonde dévotion, elle me consacra à la Sainte Vierge pour mes vingt et un ans. Elle m’a fait endosser une longue robe bleue, avec une ceinture en corde blanche nouée, qui ressemblait à un chapelet. Lors de ma consécration, j’ai encore vu Jésus au-dessus du calice, il semblait me dire : « Viens vers moi, Marie ! » Un étrange sentiment m’a envahie mais quand j’ai regardé les autres filles consacrées, aucune d’elles n’a avancé. Une fois sortie de l’église, j’ai entendu une dame dire au prêtre : « Sur une image dans l’église, j’ai vu les yeux de la Sainte Vierge bouger ! » J’ai aussitôt pensé que cette femme devait souffrir de problèmes de vue ou de troubles mentaux, et pour la première fois, moi qui voyais Jésus, j’ai commencé à avoir des doutes ! Le prêtre, sans trop y croire , a écouté la femme, puis lui a recommandé d’aller en paix et de prier. Je me suis hasardée à lui demander : « Père, quand vous soulevez vous-même le calice, vous voyez bien Jésus, n’est-ce pas ? » Il a éclaté de rire et m’a dit : « Va-t’en, pauvre fille, et que Dieu ait pitié de toi ! »

Quelle épreuve cela a dû être pour vous…

Cela m’a fait très mal en effet, et pour la première fois, je me suis confiée à ma mère. Loin de me comprendre, elle a cru que je perdais la raison et m’a aussitôt emmenée voir un psychiatre. Peu de temps après, la Vierge m’est apparue, elle a commencé à m’initier à l’adoration du Saint-Sacrement. Elle voulait « que je puisse devenir son amie, avant d’être celle de son Fils ». Jésus lui aurait dit : « Quand Mariette grandira, je voudrais que tu me la donnes ! » Lors d’une vision, j’ai vu la Sainte Vierge me prendre des mains de ma maman lors de mon baptême.

Finalement, j’ai eu la chance de pouvoir me confier au père Mani, prêtre de l’Église melkite catholique d’Alep, reconnu et aimé de tous. C’est lui qui deviendra mon conseiller spirituel. Il m’a aidée à rétablir une relation de confiance avec ma mère jusqu’au jour où la Sainte Vierge m’a annoncé : « Mariette, ne t’inquiète pas, je vais me montrer à ta maman, ne lui en parle pas. »

Que s’est-il passé par la suite ?

Les visions ont continué. Un jour, Marie m’a interpellée : « As-tu un Évangile ? » Comme il était recouvert de poussière, je l’ai essuyé avec mes vêtements avant de lui remettre. Elle s’est assise sur le sofa, puis m’a dit de l’ouvrir et de lire. Or, je ne savais ni lire ni écrire ! En souriant, elle a proposé de m’apprendre à lire avec des gestes auxquels je ne comprenais rien. J’ai pris conscience qu’il fallait que je m’abandonne à sa volonté. Aujourd’hui, je me demande encore comment j’ai pu réciter spontanément de longs extraits évangéliques lors de mes extases. Quand je prononçais mal certains mots, la Sainte Vierge me corrigeait… Une fois, elle m’a fait poser les deux mains sur les textes et m’a dit : « Je t’enseigne ainsi mais, plus tard, c’est l’Esprit Saint qui guidera tes mains ! »

Qu’avez-vous appris d’autre de la Vierge ?

Elle m’a également éduquée à la charité en m’envoyant chez une famille de handicapés. La femme avait été amputée des deux jambes, et son mari, très âgé, ne pouvait pas s’occuper d’elle. Avec une voisine, je me suis rendue à leur domicile pour aider aux toilettes et ranger la maison. La voisine s’occupait de leur linge, car ma mère m’aurait « achevée » si j’étais rentrée à la maison avec la lessive d’inconnus à faire ! Et puis, un jour du mois d’août 1967, par 45 °C à l’ombre, je suis rentrée chez moi, épuisée. Quand j’ai frappé à la porte, ma mère, qui mettait habituellement beaucoup de temps à m’ouvrir, m’a ouvert instantanément, en pleurs, la mine décomposée ! Qui est mort ? Personne. Elle m’explique : « J’étais allongée sur ce sofa et j’ai vu la Sainte Vierge ! Seulement son visage, elle ne m’a rien dit, mais je l’ai vue ! Et depuis, je ne fais que pleurer ! » J’étais ravie. Pour détendre l’atmosphère, je lui ai répondu : « Arrête, maman, tu perds la raison ! » Puis j’ai souri et lui ai rac onté que la Vierge m’en avait parlé : elle pourrait en avoir rapidement la preuve, car je m’étais confiée au père Mani, qui allait venir célébrer la messe dans notre maison. Depuis ce jour, ma mère n’a plus jamais mis en doute mes visions ni les innombrables miracles qui allaient se multiplier avec le temps.

À propos de ces miracles, y a-t-il quelqu’un pour les répertorier et les archiver ?

Non. Ma mission, c’est de prier et d’intercéder pour tous ceux qui souffrent et me demandent de prier pour eux. En ce sens, on se distingue du monastère d’Annaya au Liban. Voici un exemple qui a eu lieu au moment du Covid. Un soir, vers vingt et une heures, une femme atteinte d’un cancer a frappé à la porte. Alors que j’étais couchée , j’ai entendu clairement le Seigneur me dire : « Descends lui ouvrir, c’est une femme en grande souffrance. Dis-lui de ne pas avoir peur. » Je me suis vite habillée et à peine avais-je entrouvert la porte que devant moi une femme en pleurs me supplia it : « Ma soeur, puis-je venir prier devant la sainte Eucharistie ? Le docteur m’a dit que j’étais condamnée. » Je l’ai invitée à entrer, puis Jésus m’a dit : « Avec l’ostensoir, bénis son sein, ses bras, son corps, et asperge-la d’huile sainte. » La femme était surprise. On a prié ensemble, seulement un Notre Père et un Je vous salue Marie. Je l’ai écoutée, rassurée, puis elle est partie apaisée. Je ne la connaissais pas, j’ignorais son dossier médical, et j’ai continué à prier pour elle. Plus tard, elle est revenue au couvent lors de l’adoration pour nous annoncer sa guérison !

Avez-vous d’autres exemples de miracles ?

Un jour, en 1998 ou 1999, nous voyons arriver au couvent un groupe de pèlerins venus de France, de Medjugorje, de Tahiti, du Canada, du Brésil et d’Argentine. Un prêtre les accompagnait et les avait conduits d’abord au monastère d’Annaya puis chez nous. J’étais très gênée, car comment communiquer avec tant de personnes qui ignoraient la seule langue que je parle, l’arabe ? Alors que le prêtre tente de trouver quelqu’un pour traduire, miracle de l’Esprit Saint, je commence à répondre aux différentes questions ! J’ai vraiment eu l’impression que tous nos échanges se faisaient en arabe. Encore aujourd’hui, il m’est difficile d’expliquer ce mystère. Cela s’est renouvelé avec un couple d’Israéliens. Ils parlaient hébreu, moi l’arabe, mais nous avons pu discuter parfaitement. La jeune femme, qui ne pouvait pas avoir d’enfants, était venue se confier à Jésus. Il l’a exaucée.

Je pense également à une maman enceinte de trois mois, éplorée, qui venait d’apprendre à l’échographie que l’embryon qu’elle portait était mort. Le curetage était programmé. Quand elle s’est présentée ici, Jésus m’a dit : « Prends l’ostensoir et pose-le sur la tête de la maman, puis sur son ventre. » Je me suis exécutée. Puis nous avons prié longuement. Elle a quitté la chapelle en empruntant la petite porte qui donne sur le jardin. Après avoir descendu deux marches, elle s’est retournée en tressaillant de joie : « Mariette, mon bébé vient de bouger, j’en suis sûre, il est vivant, il est vivant ! » Aujourd’hui, l’enfant a cinq ans, c’est un beau petit garçon que nous voyons souvent !

En racontant tout cela, je ne pense pas une seconde en tirer une quelconque vanité. Je ne suis qu’une servante, qui a soif de servir et de guérir quand la miséricorde de Jésus opère. Lorsque je prie pour une famille, je sens vraiment que je fais le ménage dans le foyer. Par la dévotion à la Sainte Vierge, j’ai vu beaucoup de vies transformées. Jésus ne refuse pas une grâce quand c’est sa Mère qui le supplie, il ne méprise jamais ses demandes.