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Croire raisonnablement

Dieu ne bouscule pas les hommes et ne les force pas à croire ; mais le don merveilleux de la grâce, tel le grain jeté par le semeur, doit tomber sur un terrain préparé et apte à recevoir la semence et porter des fruits.

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Nous vivons en Occident une époque curieuse : le développement accéléré des connaissances scientifiques, entraînant des technologies toujours plus ambitieuses, voisine avec une croissance exponentielle de la méfiance envers la rationalité. L’horizon ouvert de l’intelligence artificielle côtoie des boutiques d’anti-science et des pratiques obscures de magie et de sorcellerie.

Dans ce monde polarisé, on a dû mal à situer la foi chrétienne. Or, deux mille ans de réflexion théologique ont clairement montré le chemin : l’acte de foi n’a rien d’irrationnel. Au milieu de mille croyances, la foi est le lieu de rencontre, de fusion de l’intellect humain et de la grâce divine (l’un comme l’autre étant des dons de Dieu !).

Disposer de balises qui permettent de trouver le chemin, des motifs de crédibilité qui permettent de croire raisonnablement est donc nécessaire. L’erreur consiste à partir sur des chemins de traverse qui s’écartent de la droite raison, c’est « la force d’égarement qui fait croire au mensonge » (2 Thess 2,11).
 

La logique de la pensée

Dans la pièce de Molière, la profession de foi de dom Juan se veut celle d’un athée : « Je crois que deux et deux font quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre font huit. » C’est pourtant un bon début, et les protestations un peu ridicules de Sganarelle, avec « son petit sens et son petit jugement » n’enlèvent rien à cette démonstration de rationalité… Une foi robuste ne repose pas seulement sur l’admiration de la nature et de l’anatomie, mais d’abord sur la conviction d’une rationalité de jugement. « Croire est un acte authentiquement humain », dit le Catéchisme de l’Église catholique (cf. n° 154). La lumière naturelle a deux fonctions : écarter les doutes et préparer l’accueil de la grâce, autrement dit l’assentiment.

Il n’y a là rien de sentimental : l’esprit humain ne change pas de braquet en passant de la pensée « scientifique » à la pensée religieuse ; la « logique de la pensée », comme dit Newman, est la même en toute matière concrète. Aussi le processus d’acquisition de l’assentiment est bien le même dans toutes les opérations de l’esprit, c’est la grâce qui fait franchir le seuil de l’acte de foi.

Dans une conférence lumineuse de 1929, le cardinal de Lubac a bien montré la faiblesse de l’apologétique traditionnelle, où le dogme était tenu pour une « chose en soi », comme un bloc révélé sans rapport d’aucune sorte avec l’homme naturel. Or, il ne suffit pas de dire que cela est vrai, encore faut-il dire aussi ce que c’est !

L’ordre de la foi est rationnel

Car ce qui est vraiment en cause ici, c’est l’acquisition de la certitude, autrement dit, l’intelligence par la foi. Certes, celle-ci dépasse les capacités de la raison humaine, mais l’ordre de la foi est bien rationnel : c’est dans ce cadre que les vérités de foi peuvent être reçues. Et cette lumière éclairera comme en retour notre intelligence. Il faut désirer comprendre pour croire, et plus on croit, plus on comprend… C’est pourquoi nous n’en avons jamais fini avec les raisons pour croire. La foi qui vit en nous – semence trinitaire déposée à notre baptême – survit en quelque sorte au milieu de toutes les connaissances rationnelles que nous acquérons en vieillissant : si nous ne voulons pas qu’elle soit étouffée par les ronces, l’exercice régulier de la connaissance permettra de la garder active.

Les vérités de foi ne seront totalement connues que dans la vision béatifique, mais sur notre chemin nous pouvons en explorer les marges et entrevoir, quoique nimbées, ces choses que Dieu révèle aux saints et aux anges. Pour cela, entretenons notre foi avec « l’équipement de combat donné par Dieu » (Ep 6,13), dont fait partie notre intelligence : « J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi » (2 Tm 4,7).

De saint Augustin à saint John Henry Newman (pour faire bref), grand fut le souci de ne pas obscurcir l’approche rationnelle du mystère, qui ne le profane pas, mais en permet d’accueillir la révélation que Dieu seul accorde. C’est ainsi qu’on pourra dire en vérité : « Je sais en qui j’ai mis ma foi » (2 Tm 1,12).

Prêtre de Paris, historien, théologien, exégète, universitaire et membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

 

Père Jean-Robert Armogathe

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