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Non, les Évangiles ne sont pas anonymes

D’aucuns prétendent aujourd’hui que les Évangiles ont été écrits par des personnes inconnues, bien après la mort des apôtres. Or, cette thèse est contredite par toutes les données historiques à notre disposition qui prouvent que les auteurs sont bien Matthieu, Marc, Luc et Jean.

Saint Jean évangéliste / © Wikimedia

Tout d’abord, sept sources historiques primitives (datant de moins de 150 ans après la rédaction des Évangiles) d’auteurs différents et dispersés en divers endroits du monde (Turquie, Palestine, Italie, France, Tunisie et Égypte) attestent que les Évangiles ont bien été rédigés par les quatre noms que nous connaissons. En comparaison, la première source affirmant que l’auteur de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse est Thucydide date d’environ 250 ans après sa rédaction.

 

SEPT SOURCES PRIMITIVES

1. Papias (vers 125)

Vers l’an 125, Papias, évêque de Hiérapolis ayant connu personnellement saint Jean, nous dit : « Matthieu écrivit donc les oracles en langue hébraïque, et chacun les interpréta comme il put. Marc, devenu l’interprète de Pierre, écrivit avec exactitude, mais sans ordre, tout ce qu’il se rappelait des choses dites ou faites par le Christ » (Histoire ecclésiastique, 3, 39).

2. Justin Martyr (vers 150)

Vers l’an 150, saint Justin Martyr appelait les Évangiles les « mémoires des apôtres » et affirmait : « Les apôtres, dans les mémoires qu’ils ont composés et qui sont appelés Évangiles, nous ont transmis ce qui leur était prescrit » (Première apologie, 66).

3. Fragment de Muratori (vers 170)

Le fragment de Muratori, que la plupart des experts situe vers l’an 170, rapporte ceci : « Le troisième livre de l’Évangile est celui de Luc. Luc, le médecin bien connu, après l’ascension du Christ, […] le composa en son nom propre. […] Le quatrième Évangile est celui de Jean, l’un des disciples. » Ce manuscrit est incomplet : le début et la fin sont manquants. Mais comme il mentionne, après une phrase incomplète, le troisième Évangile comme étant celui de Luc, puis le quatrième Évangile comme étant celui de Jean, les historiens admettent qu’il devait aussi évoquer Matthieu et Marc.

4. Irénée de Lyon (vers 180)

En l’an 180, saint Irénée, disciple de Polycarpe, lui-même disciple de saint Jean, donna précisément l’origine de l’ensemble des quatre Évangiles : « Matthieu publia chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d’Évangile, à l’époque où Pierre et Paul évangélisaient Rome et y fondaient l’Église. Après la mort de ces derniers, Marc, le disciple et l’interprète de Pierre, nous transmit lui aussi par écrit ce que prêchait Pierre. De son côté, Luc, le compagnon de Paul, consigna en un livre l’Évangile que prêchait celui-ci. Puis Jean, le disciple du Seigneur, celui-là même qui avait reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l’Évangile, tandis qu’il séjournait à Éphèse » (Contre les hérésies).

5. Clément d’Alexandrie(vers 190)

Clément d’Alexandrie raconte : « Marc, disciple de Pierre […], a écrit l’Évangile qui est appelé Évangile de Marc à partir des choses dites par Pierre, tout comme Luc est reconnu comme la plume qui a écrit les Actes des Apôtres » (Adumbrationes in epistolas canonicas).

6. Tertullien de Carthage (vers 207)

De son côté, Tertullien écrit : « J’affirme tout d’abord que les documents de l’Évangile ont pour auteurs les apôtres et que cette tâche de promulguer l’Évangile leur a été imposée par le Seigneur lui-même. En bref, parmi les apôtres, Jean et Matthieu implantent en nous la foi, tandis que, parmi les hommes apostoliques, Luc et Marc la réaffirment » (Contre Marcion IV, II, 1-2).

7. Origène (185-253)

Enfin, Origène rapporte : « J’ai appris comme étant de la tradition, en ce qui concerne les quatre Évangiles qui sont les seuls incontestés dans l’Église de Dieu qui est sous le ciel, que le premier écrit est celui selon Matthieu, publicain d’abord, puis apôtre de Jésus-Christ ; il fut destiné à ceux qui avaient passé du judaïsme à la foi, et fut composé en langue hébraïque. Le second est celui selon Marc, qui l’a fait selon les indications de Pierre […]. Le troisième est celui selon Luc, l’Évangile loué par Paul et composé pour les gentils. Après tous vient celui selon Jean […]. » (cité dans Histoire ecclésiastique VI, 25, 4-6). La confirmation externe des quatre Évangiles est donc précoce.

 

AUCUNE CONTRADICTION

Par ailleurs, aucune tradition ou témoignage n’est venue contredire cette attribution, ce qui est improbable si les Évangiles avaient été écrits de manière anonyme. Même les ennemis du christianisme, comme Celse, admettaient que les évangélistes étaient bien Matthieu, Marc, Luc et Jean. Personne, pas même les hérétiques, n’ont osé contester l’attribution des Évangiles avant l’an 400.

 

CONFIRMATION PAR D’AUTRES MANUSCRITS

Ajoutons que tous les manuscrits les plus anciens confirment les auteurs des Évangiles. Il n’existe tout simplement aucune copie anonyme des Évangiles dans tous les manuscrits existants. L’historien contemporain américain Brant Pitre affirme : « Le plus gros problème avec la théorie des Évangiles anonymes est le suivant : aucune copie anonyme de Matthieu, Marc, Luc ou Jean n’a jamais été trouvée. […] Tous les manuscrits anciens – sans exception, dans toutes les langues – attribuent les quatre Évangiles à Matthieu, Marc, Luc et Jean » (The Case for Jesus, 2016).

 

DES NOMS PEU PRESTIGIEUX

De plus, si les premiers chrétiens avaient vraiment voulu mentir et inventer les auteurs des Évangiles, pourquoi ne leur avoir pas donné des noms plus populaires ? Pourquoi n’avoir pas remplacé Marc et Luc, des associés méconnus, par deux des douze apôtres qui avaient directement côtoyé Jésus ? Pourquoi un faussaire aurait-il choisi en premier l’apôtre Matthieu, un collecteur d’impôts (Mt 9,9), alors que les collecteurs d’impôts, étant au service de Rome, étaient détestés des Juifs ? Mis à part celui de Jean, les noms des évangélistes ne sont pas ceux qui viendraient spontanément à l’esprit d’une personne qui voudrait asseoir l’autorité de ces textes : à cette fin, utiliser des prénoms plus connus, comme Jean, Pierre, Thomas et Jacques, aurait été plus logique. Il est donc raisonnable de penser que l’attribution traditionnelle est correcte.

 

CONFIRMATION PAR DES ÉLÉMENTS INTERNES

Si ces éléments externes suffisent amplement à justifier l’attribution traditionnelle des Évangiles, des indices internes aux textes permettent également de la confirmer. L’Évangile de Matthieu, par exemple, aborde davantage le thème de l’argent : « La didrachme » (17,24-27), « payer l’impôt à César » (22,17), « l’argent et l’impôt » (22,19), « trente pièces d’argent » (26,15). Il est aussi le seul à mentionner la « forte somme » versée aux gardes du tombeau (Mt 28,12). Au total, l’Évangile de Matthieu fait référence à l’argent 44 fois, tandis que Luc et Marc ne l’évoquent respectivement que 22 et 6 fois. Cela est tout à fait cohérent pour un collecteur d’impôts !

L’Évangile de Marc, quant à lui, mentionne le nom de Pierre plus que tous les synoptiques : une fois sur 432 mots (chez Luc, Pierre est mentionné seulement une fois sur 670 mots et chez Matthieu une fois sur 654). Marc a en effet reçu la prédication de Pierre, comme l’indique la Tradition.

En ce qui concerne Luc, il est décrit par Paul comme étant un médecin (Col 4,14). Dans son Évangile, on trouve plus que dans les autres des remarques d’ordre médical : « Or, il y avait une femme atteinte d’une perte de sang depuis douze ans, et qui avait dépensé tout son bien pour les médecins, sans qu’aucun ait pu la guérir » (8,43-44) ; « Et voici, un homme hydropique était devant lui » (14,2) ; « La belle-mère de Simon avait une violente fièvre » (4,38) ; « Médecin, guéris-toi toi-même » (4,23).

Enfin, l’Évangile de Jean indique qu’il a été écrit par un témoin oculaire, le « disciple que Jésus aimait » (Jn 21,20-24). Or, ce disciple bien-aimé était présent au dernier repas (Jn 13,13) qui rassemblait les douze apôtres (Mt 26,20). Il était donc probablement l’un des Douze. Mais qui parmi les Douze ? Étant donné que ce disciple se fait appeler le « disciple que Jésus aimait », il devait faire partie de la garde rapprochée du Christ. Or, en lisant les autres Évangiles, on remarque que la garde rapprochée de Jésus est constituée de Pierre, Jacques et Jean : ces derniers forment un trio très proche de lui (Mc 9,2 ; 5,37 ; 14,33 ; Mt 17,1 ; 26,37 ; Lc 8,51 ; 9,28). Le disciple bien-aimé ne pouvait pas être Pierre, puisqu’il en est expressément distingué (Jn 21,20). De plus, nous savons que Jacques est mort martyrisé pour sa foi par Hérode (Ac 12,2) et que le quatrième Évangile a été écrit bien plus tard (vers 90). Par conséquent, Jacques ne pouvait pas en être l’auteur. Ainsi, par élimination, il s’ensuit que le disciple bien-aimé était probablement l’apôtre Jean, ce qui coïncide avec tous les éléments externes cités précédemment.

En conclusion, aucun élément concret ne permet de douter que les quatre Évangiles ont été écrits par Matthieu, Marc, Luc et Jean.

Matthieu Lavagna

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