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Témoin des catacombes iraniennes

« J’ai malheureusement sous-estimé les dangers d’un témoignage public de ma conversion pour moi-même mais surtout pour mes proches », s’excusait « Darius », catholique iranien, le matin même de la conférence de presse donnée par l’Aide à l’Église en Détresse, le 14 novembre dernier. Comme son message contrit l’indique, ce chrétien iranien clandestin a finalement renoncé à se présenter à visage découvert.

« Darius », de son nom d’emprunt, appartient à la communauté, nombreuse mais discrète, des Iraniens convertis de l’islam. Il devait participer au rendez-vous annuel de l’Aide à l’Église en Détresse, la Nuit des Témoins, qui consiste à présenter trois membres de l’Église souffrante dans le monde. L’évènement s’est tenu du 15 au 20 novembre cette année. Il a permis à une religieuse de l’Inde et à un prêtre du Nigeria de raconter le quotidien difficile de leurs communautés.

Darius supposait que sa participation comporterait un risque mesuré, qu’il acceptait, mais en fin de compte, un contact bien informé lui a conseillé de rester dans l’ombre. « Cela fait aussi partie de la persécution des chrétiens par la République islamique », explique-t-il. Mais bien qu’il soit contraint de cacher son visage, il tient à ce que son parcours soit partagé le plus largement possible.

Trentenaire, il a grandi dans l’Iran des ayatollahs, où selon sa propre expression « la religion est partout ». Les cours qu’il recevait étaient ponctués d’enseignements de morale islamique, de philosophie chiite et des figures des imams historiques. Il observe que ce matraquage obsessionnel a fini par éloigner la majeure partie de sa génération de la religion institutionnelle. « Dans les grandes villes, la jeunesse s’éloigne de la religion imposée. Certains deviennent athées, mais pas tous », témoigne-t-il.

Darius lui-même entretenait des rapports distants avec cette religion, dont le caractère imposé et politique le révulse. En revanche, il s’est intéressé aux poésies mystiques persanes, qu’il trouvait très éloignées de l’image à la fois excessivement rigide et hypocrite de l’islam qu’on lui imposait. Son père, bien que musulman chiite, lui a un jour fait cadeau d’un Évangile traduit en persan qu’il avait acheté à l’étranger. Ce geste n’avait rien de religieux, il le lui a offert comme il aurait offert un recueil de poèmes. Mais ce geste a fait basculer la vie de Darius qui s’est passionné pour ce petit livre, dans lequel Dieu se montrait avide de l’amour des hommes.

Darius a alors entamé un chemin de conversion, qui par chance a été bien reçu par sa famille. Dans bien des cas, les Iraniens qui souhaitent se convertir sont persécutés par leurs propres parents, rappelle-t-il. Il a été baptisé et vit à présent sa foi, sans toutefois pouvoir l’annoncer publiquement. Il aimerait que les chrétiens iraniens comme lui relèvent la tête, mais il est encore trop tôt. Même ceux qui résident à l’étranger ne sont pas en sécurité, car n’importe quel fanatique musulman peut décider de les mettre à mort pour « apostasie ».

Pourtant, Darius demeure optimiste. Il est convaincu que sa génération est définitivement dégoûtée de la théocratie. Elle finira par faire tomber le régime inique et corrompu qui tient encore l’Iran sous sa férule. Le jour où il tombera, une multitude de chrétiens sortiront des catacombes, espère-t-il.

(Sources : Aide à l’Église en détresse et sources personnelles)