A la une   Méditation 

Comment l'Eucharistie peut transformer nos vies

Pour parvenir à nous métamorphoser, le Seigneur nous a donné des armes : la sainte communion

et l’adoration, qui nous sont indispensables pour faire concrètement régner le Christ dans notre vie et dans le monde.

© CC0 pxhere

Un journaliste demanda un jour à Mère Teresa : « Que faut-il changer dans le monde et dans l’Église ? » La sainte répondit : « Vous et moi ! » Il faut bien l’avouer, nous n’avons pas cette lucidité des saints et nous ne voyons même pas que nous sommes des misères abyssales ! Nous nous trouvons superbes, mais… la réalité est autre : nous avons tous véritablement besoin de changer ! Ce constat, le cardinal Newman l’avait fait lui aussi, en nous léguant une formule lapidaire : « Ici-bas, vivre, c’est changer ; être parfait, c’est avoir changé souvent. »1 Mais comment parvenir à changer ? Je le sens bien : mes efforts et ma bonne volonté, bien que absolument nécessaires (nous ne sommes pas quiétistes) ne peuvent suffire (nous ne sommes pas pélagiens2). Cela est bien vrai : la grâce est absolument nécessaire, même primordiale ; seul Dieu peut réaliser en moi des merveilles de sainteté. Cette transformation, le Seigneur veut la réaliser, et il nous a tout donné pour y parvenir : les sacrements, et par-dessus tout le plus sublime d’entre eux : la Très Sainte Eucharistie. Saint Pierre-Julien Eymard, fondateur des pères du Saint-Sacrement, l’affirme : « C’est par l’Eucharistie que Jésus sanctifie les âmes, qu’il leur communique les grâces les plus précieuses de sa Passion, qu’il se donne tout entier en nourriture à l’homme pour s’unir à lui, s’incorpore à sa substance et le transforme en sa vie divine pour glorifier en lui son Père céleste. »

 

TRANSFORMATION PAR LA SAINTE COMMUNION

Nous ne réalisons pas à quel point le Seigneur veut nous sanctifier, ni la puissance sans borne que contient la sainte hostie : « Une seule communion peut faire de nous des saints », aimait à dire saint Maximilien Kolbe. Dans la même veine, Eymard disait : « Que de fois n’avez-vous pas vu un grand pécheur libertin, haineux, dégradé, redouté comme une sorte de bête féroce, entrer dans une église, y pleurer, entendre prononcer sur lui cette sentence consolante : "Allez, tout est pardonné", puis se trouver tout changé ; le colérique devient doux, l’impudique, un ange ! Comment donc cette révolution s’est-elle opérée ? Par la sainte communion. Jésus-Christ a enchaîné ses passions ; c’est lui qui vit maintenant dans le coeur du libertin […]. La sainte communion transforme l’homme comme la consécration change les espèces au corps et au sang de Notre Seigneur lui-même»3

Dans son livre l’Eucharistie, notre sanctification, le cardinal Cantalamessa se sert d’une image biologique pour exprimer cette transformation réalisée par la sainte communion : « Jésus nous assimile ainsi, parce qu’il fonctionne comme le coeur du corps mystique. Quel est de fait le rôle du coeur dans notre organisme ? Il reçoit de toutes les parties du corps un afflux de sang vicié, appauvri des éléments vitaux mais chargé de tous les résidus toxiques de l’organisme. Dans les poumons, ce sang au contact de l’oxygène est comme passé par le feu ; ainsi régénéré et enrichi de substances nutritives, il est inlassablement rendu à tous les membres par la force du coeur. Il en va de même dans le domaine spirituel, pour l’Eucharistie, le coeur de l’Église qui est le Christ. À chaque messe, il reçoit un afflux de sang vicié, de partout. Au moment de communier, je jette en lui mon péché, tout ce qui est impureté en moi pour qu’elle soit détruite ; et lui me rend un sang pur, son propre sang, le sang de l’agneau immaculé, plein de vie et de sainteté, remède d’immortalité. »

Il faut cependant clarifier un peu les choses : ce que vient de décrire le cardinal n’est valable que pour les amis du Christ, ceux qui lui sont unis par la foi et la charité, c’est-à-dire en état de grâce, qui n’ont donc pas de péché mortel sur la conscience, bref, qui se confessent régulièrement et chaque fois qu’il est nécessaire. Saint Pierre-Julien Eymard nous rappelle vigoureusement que, sans cet état de grâce, la sainte communion, loin de nous transformer, nous deviendrait nuisible : « L’Eucharistie est une nourriture, un pain de délices. Pour s’en nourrir et le goûter, la première condition, c’est d’être vivant, c’est-à-dire en état de grâce. [...] La loi indispensable de la communion, celle qui regarde tout le monde, c’est d’être exempt de péché mortel. [...] J’appuie bien sur ce point : on doit être exempt de péché mortel ; autrement, le pain de vie deviendrait pour vous un pain de mort. »4

Il faut aller encore plus loin : notre collaboration à la grâce, la ferveur de nos dispositions sont un moyen indispensable pour permettre à la toute-puissance du divin sacrement de porter tous ses fruits ; saint Antoine-Marie Claret nous le rappelle : « Plus il y a de ressemblance entre la personne qui va communier et Jésus, plus les fruits de la sainte communion seront meilleurs. »5 Notre docilité à la sainte volonté de Dieu (qui est l’essence même de la sainteté), notre énergique combat contre les désordres de notre nature déchue (la triple concupiscence) disposent le terrain de notre âme à l’action efficace du Sauveur et au triomphe de la grâce. Il faut tout donner.

 

TRANSFORMATION PAR L’ADORATION

Rappelons-nous les paroles de saint Charles de Foucauld : « L’Eucharistie, ce n’est pas seulement la communion, le baiser de Jésus, le mariage de Jésus : c’est aussi le Tabernacle et l’Ostensoir, Jésus présent sur nos autels tous les jours jusqu’à la consommation des siècles. » La présence réelle, ce troisième aspect du mystère eucharistique (avec le sacrifice et le banquet), fut profondément honorée par notre saint. Il passait des heures, des nuits entières à contempler son adorable sauveur eucharistique. Quels fruits en découlèrent ? Il n’est que de comparer le visage du vicomte de Foucauld dans sa jeunesse et à la fin de sa vie pour s’émerveiller du pouvoir transformant de l’Eucharistie, spécialement sous le mode contemplatif de l’adoration. Entre le militaire débauché et le saint ermite rayonnant de joie et de lumière, quel contraste !

Saint Jean-Paul II osait dire que « par l’adoration, le chrétien contribue mystérieusement à la transformation radicale du monde »6. Cette transformation concerne avant tout, ne l’oublions pas, celui qui adore. Le monde à transformer, c’est moi (souvenons-nous des mots de Mère Teresa) ! Le Seigneur Jésus évangélise, sanctifie, convertit l’adorateur. Or, le moi tyran du vieil homme qui ne veut pas changer n’entraîne que la tristesse du péché, et il ne veut absolument pas se rendre, « papy » fait de la résistance : « Il n’est pas de tyran aussi étroit et orgueilleux, aussi exigeant et soupçonneux, si absolument résolu à nous maintenir dans notre petitesse que celui que nous connaissons tous si bien, dont une amère expérience nous a appris la tyrannie et qui s’appelle le moi. »7 Notre Sauveur seul a pu le vaincre ; le tyran a donc rendu les armes sous le Soleil Eucharistique qui, dardant de ses rayons le saint ermite, l’a littéralement métamorphosé !

Pour arriver à un tel résultat, il est nécessaire de passer du temps aux pieds du Seigneur ; n’ayons pas peur de « perdre » notre temps à ses pieds car, alors, nous délions sa puissance souveraine. Il peut véritablement et concrètement trôner dans notre vie et donc dans le monde. Il faut honorer sa royauté eucharistique par de longs moments en sa présence, l’adjectif est important ! Quelques minutes par-ci par-là ne suffiront pas. Le père Jérôme de l’abbaye de Sept-Fons pensait que la propédeutique de la vie intérieure n’était achevée qu’après cinq mille heures d’oraison8 ! Jésus disait à sainte Angèle de Foligno : « Il ne faut pas marcher au pas de course dans la contemplation du mystère eucharistique, mais demeurer immobile, fixe, enfoncé, absorbé, abîmé. »9 Le théologien orthodoxe Nicolas Cabasilas abonde dans le même sens : « Le feu lui-même n’embrase que s’il est entretenu de manière continue. De même pour nous ; une méditation occasionnelle n’ouvrira pas notre coeur vers quelque passion. Il faut une plage de temps longue et prolongée. »10

Dans un monde agité qui nous sollicite en permanence, prenons le temps de passer quelques heures en compagnie du Seigneur. Il nous le rendra mille fois !

 

--

1. Saint John Henry Newman, Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, 1845, trad. Léuce Gérard, coll. « L’Église en son temps », Paris, Le Centurion, 1964, chap. 1, section I, dernière phrase.
2. Le quiétisme est une doctrine qui affirme que Dieu fait absolument tout et la créature absolument rien dans l’oeuvre de son salut. Au contraire, le pélagianisme soutient que la force de la volonté suffit et que l’on peut se sauver sans Dieu. La vérité catholique peut se formuler comme suit : la grâce est première, mais l’homme doit collaborer à la grâce.
3. Saint Pierre-Julien Eymard, OEuvres complètes, PO 20, 17.
4. Saint Pierre-Julien Eymard, OEuvres complètes, PP 27, 1.
5. Cité par Vinny Flynn, Seven Secrets of the Eucharist, MercySong / Ignatius Press ; First Edition (10 janvier 2007).
6. Saint Jean-Paul II, lettre à Mgr Houssiau pour le 750e anniversaire de la Fête-Dieu, 21 juillet 1996.
7. Dom Vital Lehodey, Le Saint Abandon.
8. Prière méditative centrée sur la contemplation divine.
9. Sainte Angèle de Foligno, Visions et instructions, chap. 67.
10. Nicolas Cabasilas, La vie en Christ, livre VI, chap. 6a.

Par le père Jérôme Dernoncourt, MSE (Missionnaire de la Très Sainte Eucharistie)

Retour à l'accueil