« Le Christ m'a appelé sur le chemin de Damas »
Saint Paul fut converti alors qu’il faisait route vers Damas. Deux millénaires plus tard, Jésus a saisi un autre homme, Juan. Ce jeune trentenaire syrien revient sur le parcours qui l’a conduit du yézidisme au christianisme et de la Syrie à la France.

Je suis né dans une famille yézidie, en Syrie. Prenant racine dans les croyances de la Perse antique, le yézidisme est une minorité confessionnelle monothéiste mêlant le mithraïsme iranien à des éléments venant du soufisme et du sunnisme. En Syrie, les personnes sont identifiées par leur nom, leur religion, leur quartier.
Toutes les familles n’appartenant pas aux minorités chrétiennes ou juives sont d’emblée considérées par les autorités comme musulmanes et leurs enfants sont obligés d’étudier l’islam à l’école. Ce fut mon cas. Par conséquent, je connaissais mieux l’islam que la religion yézidie de mes parents. Enfant, je cherchais Dieu. Comme le font les yézidis, je priais devant le soleil, création reflétant le Créateur. J’avais soif d’entrer en relation personnelle avec lui. Mais la religion yézidie n’a pas su étancher cette soif et ce que j’apprenais de l’islam à l’école ne me procurait guère la paix. Choisir l’islam aurait été le plus simple ; je n’ai pourtant pas fait ce choix.
UN RÊVE INOUBLIABLE
C’est à l’âge de 13 ans que j’ai commencé à découvrir le christianisme à travers des grandes figures, comme le pape Jean-Paul II qui visita mon pays en 2001 ou bien Mère Teresa qui fut évoquée à la télévision au moment de son décès. Mais aussi en me faisant des amis chrétiens de mon âge. Un an plus tard, j’ai fait un rêve qui continue de me marquer. J’ai vu mon corps descendre dans le feu de l’enfer. Puis, au milieu de cette tourmente, j’ai vu un homme habillé de blanc venir à moi, me saisir et me sortir de là. Cet homme s’adressa ensuite à une autre personne en lui disant : « Pardonne-lui cette fois pour moi. » Je me suis réveillé en criant. J’étais en nage, bien que nous étions en plein hiver. Tout m’avait semblé si réel, mais j’ignorais totalement qui pouvait être cette personne.
Vers 17 ans, le film la Passion du Christ (2004) m’a beaucoup touché. Le christianisme m’interpellait : qui était ce Dieu prêt à sacrifier son Fils pour nous ? À cette époque, ma quête intérieure pouvait se résumer à une seule prière : « Jésus, si tu es le Fils de Dieu, montre-le-moi. » Peu à peu, le christianisme m’est apparu comme étant la voie juste. Je me sentais rassasié, en paix. Je me suis alors rendu dans une église orthodoxe, en vue de rencontrer un prêtre et de pouvoir être baptisé. Mais on ne m’a pas reçu, par peur des conséquences.
UN BAPTÊME, PUIS DEUX
Un prêtre catholique a fini par m’accueillir. Pendant deux ans, je lui posai les questions les plus ardues, et lui m’enseigna le catéchisme. À l’occasion du Vendredi saint, nous avons fait un pèlerinage en passant par sept églises. C’est en découvrant, dans l’une d’elles, une icône représentant le Christ descendant dans les enfers pour en sortir les pécheurs que j’ai réalisé qu’il était l’homme de mon rêve et que ses paroles s’adressaient au Père. Je fus baptisé en secret, en 2007, à Alep. Dès lors, je n’ai plus caché ma foi. Ma famille a mal réagi et j’ai subi des violences physiques. La minorité yézidie ayant peur de disparaître, elle interdit les conversions. Mes proches avaient peur que je me coupe d’eux et craignaient aussi des représailles de la part des musulmans et du gouvernement. Je pensai alors fuir au Liban, une fois les fêtes de Pâques passées. Mais Dieu me donna la force de rester et, deux ans plus tard, mon frère demanda le baptême à son tour dans la même église catholique que moi.
Mais ma situation apparaissait peu vivable sur le long terme. En effet, la Syrie est un système figé qui n’accepte pas le fait que ses citoyens puissent se convertir. Étant musulman aux yeux de la loi et dans l’impossibilité légale de changer de religion, je n’avais pas le droit d’épouser une chrétienne, à moins qu’elle ne se convertisse d’abord à l’islam. Ma conversion étant connue de tous, je pouvais être tué au nom de la charia, sans que l’assassin soit inquiété par les autorités.
UNE DÉCISION DIFFICILE
Face à un tel blocage, je me suis résolu à partir. J’ai envisagé d’émigrer dans un pays anglophone tel que le Canada, l’Australie, les États-Unis ou encore le Royaume-Uni. Je n’avais jamais pensé à m’installer en France, jusqu’au jour où un prêtre et une religieuse français, rencontrés au Liban, ont trouvé une famille prête à m’accueillir à côté de Paris. Ce fut un miracle. Je suis parti deux semaines avant le début de mon service militaire. En Syrie, on sait quand il commence, mais jamais quand il finit. Pour certains de mes amis, il a duré dix ou douze ans.
Je suis arrivé en France en 2015 avec un visa étudiant, et j’ai fait un Master 2 en mathématiques appliquées pour les organisations et les entreprises à Paris Dauphine. J’ai obtenu l’asile politique pendant mes études en raison de mon baptême et de la guerre en Syrie. Par ailleurs, des personnes bienveillantes m’ont aidé à trouver des stages grâce auxquels j’ai trouvé facilement du travail. J’ai aussi rapidement pu intégrer des groupes de jeunes dans ma paroisse.
Aujourd’hui, j’essaie d’épauler les chrétiens issus de l’islam, en leur partageant mon expérience, en les aidant à s’enraciner et à persévérer dans la foi chrétienne. Je le vis comme un appel. Ces nouveaux convertis vivent souvent de grandes épreuves spirituelles, psychologiques ou communautaires. Nos échanges m’apportent beaucoup.
Depuis 2015, je ne suis jamais retourné en Syrie, mais je suis en contact régulier avec ma famille ; grâce à Dieu, ma relation avec mes parents s’est apaisée avec le temps. Je suis profondément reconnaissant envers la France. Envers Jésus.
Propos recueillis par François Paule
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