« Cette renaissance est le signe d'un réveil spirituel plus profond »
Mgr Olivier Ribadeau Dumas, ancien porte-parole de la Conférence des évêques de France (2015-2019) et actuel recteur-archiprêtre de Notre-Dame de Paris, explique comment le Ciel continue de descendre sur la terre pour mobiliser les hommes.
Monseigneur, quel est votre sentiment à l’approche de la réouverture de Notre-Dame de Paris après ces cinq années de reconstruction ?
Mgr R. D. : Le premier sentiment qui domine est la joie, la joie de voir la cathédrale rouvrir ses portes aux fidèles, aux pèlerins et aux visiteurs du monde entier. La cathédrale, église mère du diocèse de Paris, m’a manqué, nous a manqué. Joie aussi de voir la beauté retrouvée de l’édifice qui rend ainsi un bel hommage au Créateur. J’en profite pour remercier tous ceux, compagnons et entreprises, qui ont oeuvré depuis cinq ans à la restauration de Notre-Dame avec le soutien sans faille des mécènes qui ont permis cette renaissance.
Quels sont les principaux défis spirituels que vous avez rencontrés pendant la reconstruction ?
Mgr R. D. : Le grand défi de cette reconstruction a été de continuer à faire battre le poumon de prière qu’est Notre-Dame. La vie de prière ne s’est jamais arrêtée. Jamais. La prière a continué dès les premiers instants de l’incendie, à même le parvis. Puis la paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois a fait preuve d’une grande bonté en accueillant les offices de la cathédrale, ses fidèles, ses bénévoles. Notre-Dame a manifesté ainsi que l’Église était d’abord constituée du peuple de Dieu. Elle n’est pas un musée, mais une pierre vivante.
Certains ont cru revivre au cours de cette reconstruction l’enthousiasme unanime et la communion de coeur des bâtisseurs de cathédrales. Qu’en pensez-vous ?
Mgr R. D. : Les compagnons, les entreprises, les artistes de l’atelier de Notre-Dame qui travaillent à son réaménagement intérieur, tous, nous avions le sentiment de travailler à un projet qui nous dépasse. Moi-même, je mesure avec humilité que la place que j’occupe n’est qu’un maillon d’une chaîne de plusieurs siècles. Pour comprendre cette joie, il faut commencer à croire au mystère qui habite les lieux. Je parle bien sûr de la présence aimante du Christ. C’est le coeur du rayonnement international, de l’émotion mondiale lors de l’incendie. C’est ce qui explique aussi la place unique de l’édifice pour les catholiques, mais aussi pour les personnes d’autres confessions ou religions, et pour les non-croyants. Notre cathédrale est un point de repère auprès duquel il est bon de s’abriter.
Notre-Dame a toujours été un lieu de prière et de dévotion à la Vierge Marie. Avez-vous ressenti sa présence d’une manière particulière pendant l’incendie et lors de la reconstruction ?
Mgr R. D. : Je viens du sanctuaire de Lourdes que j’ai eu la joie de servir quelques années. La présence de la Vierge Marie est pour moi un appui très fort. Elle guide mon chemin, en mère fidèle. J’avoue d’ailleurs que, depuis quelques mois, mon attachement pour elle grandit davantage, s’affine, mûrit. Marie est ici partout chez elle. Le chapelet est d’ailleurs l’une des langues maternelles de la cathédrale.
Comment la reconstruction de l’édifice peut-elle renforcer la foi des catholiques en France et à travers le monde ?
Mgr R. D. : Notre-Dame est un signe d’espérance immense. À travers la mort d’un incendie violent, la vie a vaincu, une fois de plus. Cette Pâques, cette renaissance est le signe d’un réveil spirituel plus profond. L’augmentation du nombre de baptêmes en France en 2024 en est un signe additionnel. Le Ciel continue de descendre sur la terre, ses empreintes sont partout pour celui qui veut bien voir.
Pensez-vous que Notre-Dame a une mission particulière à accomplir dans la France contemporaine, post-incendie ?
Mgr R. D. : La mission de Notre-Dame est l’accueil. Comme un enfant se réfugie dans les bras de sa mère à la sortie de l’école, Notre-Dame accueille depuis des centaines d’années des personnes, d’où qu’elles viennent. La largeur du déambulatoire n’est qu’un indice de sa vocation : permettre au plus grand nombre d’entrer… dans le grand mystère de Dieu. C’est pourquoi l’accueil sera une dimension fondamentale de la réouverture, de même que le témoignage de foi donné par les fidèles qui y prieront.
Quelles leçons spirituelles pouvons-nous tirer de cet événement tragique et de la résurrection qui s’en est suivie ?
Mgr R. D. : Le Seigneur peut changer le pire mal en un bien. Ici, la destruction par le feu a conduit à un élan de générosité inédit, la mobilisation pour sauver Notre-Dame a été mondiale. Sa restauration en cinq années est un exploit rendu possible par la très grande unité entre l’État et l’établissement public de reconstruction, la Ville et le diocèse de Paris. Je dirais pour terminer que l’histoire de Notre-Dame nous apprend que la Croix demeure, tandis que le monde tourne, pour reprendre cette devise bien connue. Visons la vie éternelle, rien d’autre n’a de valeur. Notre vrai trésor est au Ciel.
Propos recueillis par Octavie Pareeag
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