À Loreto, un sanctuaire marial unique au monde
Loreto, petit village de la région des Marches en Italie, est mondialement connu, car sa basilique abrite les vestiges de la Sainte Maison où la Vierge reçut la visite de l’ange Gabriel à l’Annonciation.

Située sur la côte est de l’Italie, la basilique de Loreto attire chaque année près de trois millions de visiteurs. L’importance de ce sanctuaire sans égal puise sa source dans deux événements majeurs de l’histoire chrétienne : l’Annonciation et la Translation. En effet, au coeur de la basilique se trouve la Santa Casa, la « Sainte Maison » où la Vierge Marie entendit les paroles de l’ange Gabriel : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut » (Lc 1,26-38). La scène se déroule pourtant en Terre sainte, à Nazareth. Alors que fait la Sainte Maison à Loreto ? La réponse se trouve dans la « Translation », le transport de ces murs sacrés depuis le Moyen-Orient jusqu’en Italie.
DE NAZARETH À LORETO, AVEC LES ANGES
La Translation remonte à 1291. Cette date symbolique marque la fin de la période des croisades en Terre sainte : la ville de Saint- Jean-d’Acre est prise par les mamelouks, signant ainsi la défaite des catholiques et la fin du royaume franc de Jérusalem. Toutefois, pour les croisés, il est inenvisageable d’abandonner les reliques chrétiennes… dont la Sainte Maison à Nazareth. « Quand les croisés sont expulsés de Palestine, les trois murs de la Sainte Maison sont transportés jusqu’à la colline où se trouve l’actuel sanctuaire de Loreto », explique le père Giuseppe Santarelli, 89 ans, capucin et ancien directeur de la congrégation de la Sainte-Maison. Il précise : « Selon la tradition, après plusieurs étapes, notamment en Albanie et en Croatie, la Sainte Maison arrive ici, portée par les anges, dans la nuit du 9 au 10 décembre 1294. » De nombreuses peintures, gravures et sculptures figurent la Translation de la maison « par ministère angélique ». La toute première représentation date de 1430, elle est l’oeuvre du peintre napolitain Angiolillo Arcuccio. Par la suite, des fouilles archéologiques effectuées à Nazareth et dans le sous-sol de la Sainte Maison dans les années 1960, appuyées par des études philologiques et iconographiques, accréditent l’hypothèse selon laquelle les pierres de l’édifice auraient été transportées par bateau grâce à une famille de la noblesse byzantine, la bien nommée famille Ange. La Sainte Maison ne comporte que trois murs, car elle a été initialement construite contre une paroi rocheuse qui avait été creusée, formant ainsi une grotte encore vénérée aujourd’hui dans la basilique de l’Annonciation à Nazareth.
Pour commémorer l’événement extraordinaire de la Translation, toute la région des Marches perpétue une tradition singulière les 9 et 10 décembre de chaque année. « Il y a des processions, bien sûr, mais surtout, des feux sont allumés dans les campagnes pour illuminer le passage de la Sainte Maison et symboliser son arrivée », évoque le père Giuseppe Santarelli, témoin direct de cette tradition entretenue par ses parents arrivés à Loreto en 1942. Pour le Jubilé 2025, la région des Marches est aussi le théâtre d’autres événements : un pèlerinage entre Macerata et Loreto le 15 mai sur les chemins de la Via Lauretana, le Jubilé de la spiritualité mariale le 31 mai, ou encore les 7 et 8 septembre pour célébrer la naissance de la Vierge Marie dans le plus grand sanctuaire marial du monde.
LÀ OÙ LE VERBE S’EST FAIT CHAIR
Dans le but de protéger la Sainte Maison, une basilique de style gothique et renaissance (de 93 mètres de long et 60 mètres de large) est construite autour d’elle à partir du XVe siècle (de 1469 à 1587). De l’extérieur, le pèlerin ne voit ainsi qu’un édifice religieux comme il en existe des centaines en Italie et dans le monde. Mais lorsqu’il pénètre dans la basilique, il aperçoit tout de suite la Sainte Maison placée juste derrière l’autel et protégée par une carapace de marbre. Pour sa construction, le pape Léon X (1513-1521) fait acheminer du marbre de Carrare, le plus prestigieux du monde, en 1514. Sur les murs, diverses scènes chrétiennes sont sculptées, notamment l’arrivée de la maison à Loreto, portée par les anges. En prêtant attention, le voyageur remarque aussi que, juste derrière l’autel, une fenêtre ouvre la façade. C’est l’endroit même où l’ange Gabriel vint rencontrer Marie lors de l’Annonciation. À même le sol, deux sillons creusés dans le marbre encerclent la Maison : « Ils montrent la dévotion des croyants. Il s’agit des traces laissées par les pèlerins faisant le tour de la Sainte Maison sur les genoux, afin de demander grâce ou pour remercier la Vierge Marie », explique le père Giuseppe Santarelli.
Sur la façade de la basilique à peine achevée, le pape Sixte V (1585-1590) fit graver en lettres d’or : « Maison de la Mère de Dieu où le Verbe s’est fait chair. » Sitôt le seuil de la Sainte Maison franchi, le pèlerin est aussitôt happé par l’atmosphère saisissante et recueillie qui émane de ces murs entre lesquels Dieu s’est fait homme lorsque la Vierge Marie prononça son fiat. Les briques originelles de l’édifice construit à Nazareth, couleur ocre, se dévoilent sous le regard d’une statue de Marie à la peau brune. La « Vierge de Loreto » s’inscrit dans la tradition byzantine, d’où son appellation, parfois, de « Vierge noire ». La statue actuelle, fabriquée en bois de cèdre du Liban venant des jardins du Vatican et parée d’or et de gemmes, remplace celle du XIVe siècle, détruite lors d’un incendie en 1921. Les pèlerins sont nombreux à venir prier dans cette magnifique Sainte Maison que le pape Jean-Paul II n’a pas hésité à qualifier de « premier sanctuaire de portée internationale dédiée à la Vierge et vrai coeur marial de la chrétienté ».
UN PÈLERINAGE DE RENOMMÉE INTERNATIONALE
La notoriété de Loreto en fait une terre d’accueil pour les pèlerins du monde entier. « Dans les années 1300, il y a déjà des pèlerins allemands ou français qui viennent jusqu’ici, raconte le père Giuseppe Santarelli, mais ce n’est qu’à partir de 1400 que le sanctuaire devient très connu dans le monde entier. Il y a un véritable essor au XVe siècle. » Si le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle demeure le pèlerinage médiéval par excellence, celui de Loreto devient le premier dédié à la Vierge Marie. L’itinéraire consiste à rallier le village des Marches depuis Rome en empruntant la Via Lauretana, soit un périple reliant la tombe de saint Pierre au Vatican et la Sainte Maison, en passant notamment par Assise. Le père Fernando Loreto, 60 ans et originaire des Philippines, vient régulièrement entre ces murs pour prier. « Avec mon nom, je me sens comme chez moi ici », sourit-il. Après sa première visite du sanctuaire marial en 2003, il y est revenu plusieurs fois, jusqu’à consacrer les six dernières années de sa vie à l’Italie. L’évêque philippin de son diocèse proche de Manille l’a en effet envoyé à Padoue, à l’office diocésain des migrants. « Dès que je fais le voyage entre les Philippines et l’Italie, je viens à Loreto pour demander l’accompagnement de Marie », confie-t-il. Notons que la Vierge de Loreto est, depuis un décret pontifical de 1920, la sainte patronne des aviateurs. « Quand j’étais petit, je rêvais d’être pilote ! », s’amuse le facétieux père philippin. Quant à Giuliano, un homme d’une cinquantaine d’années, il effectue pour sa part un petit pèlerinage hebdomadaire. Originaire de Recanati, petite ville à dix kilomètres à peine de Loreto, il vient se recueillir toutes les semaines à la basilique. La Translation, il assure « en entendre parler depuis toujours ». Mais pour lui, « ce n’est pas important de savoir comment la Maison a été transportée ici. Elle est là, c’est l’essentiel. »
Les pèlerins français entretiennent aussi une longue tradition avec Loreto. Descartes s’y rend en 1623 en action de grâce et en tire un texte nommé Olympica. Montaigne séjourne à Loreto en 1581 : l’occasion pour lui de déposer un ex-voto dans ce « lieu d’infinis miracles » (Journal de voyage en Italie, publié à titre posthume en 1774). Montesquieu s’y installe aussi quelques jours en 1729, tout comme saint François de Sales, saint Louis-Marie Grignion de Montfort, le marquis de Sade en 1776, Stendhal en 1802… Dans un autre registre, Napoléon s’est, pour sa part, intéressé à Loreto « pour y voler tout le trésor de la Sainte Maison », relate le père Giuseppe Santarelli, véritable mémoire vivante du lieu. La campagne italienne du général Bonaparte, en 1796 et 1797, entraîne en effet le vol et la spoliation de plusieurs oeuvres d’art et reliques, certaines d’entre elles disparaissant à tout jamais, comme le manteau de la Vierge Marie et les saintes écuelles, la vaisselle de la Sainte Famille. Les décorations de la chapelle française (l’une des treize chapelles du lieu) rendent notamment hommage à Louis IX, souverain de 1226 à 1270, plus communément appelé Saint Louis et canonisé par l’Église en 1297. Le roi s’était d’ailleurs rendu en 1251 à Nazareth lors d’un pèlerinage. Quant aux miracles évoqués par Montaigne, « certains ont été décrits scientifiquement », certifie le père Santarelli. Il raconte par exemple le cas, dans les années 1930, d’une femme handicapée par une anisomélie structurelle – une jambe plus courte que l’autre – dont le membre inférieur aurait miraculeusement poussé… Sur les murs de la basilique et dans le musée de Loreto figurent aussi de nombreux ex-voto en forme de coeur, d’yeux, de poumons ou d’autres parties du corps humain sujettes à la maladie. Le sanctuaire n’est toutefois pas comparable à celui de Lourdes et à sa longue tradition de guérisons miraculeuses attestées par l’Église.
« LE SANCTUAIRE LE PLUS RICHE DU MONDE EN TERMES D’ART »
La basilique de Loreto se singularise aussi par l’art, entremêlé à la foi grâce aux plans des plus grands artistes de l’époque. Le père Santarelli estime qu’il s’agit du « sanctuaire le plus riche du monde en termes d’oeuvres d’art ». Depuis la piazza delle Madonna, la grande façade blanche, surmontée d’une coupole magistrale, se détache sur le ciel. Sur le côté, un campanile majestueux se dresse à 75 mètres de hauteur et inscrit encore davantage le lieu dans l’immensité sacrée. La façade est l’oeuvre de Bramante, l’un des plus grands architectes et peintres de la Renaissance italienne. La coupole est signée des mains des frères da Maiano, architectes et sculpteurs italiens ayant eux aussi marqué la Renaissance. Le campanile, enfin, est pensé par Luigi Vanvitelli, architecte napolitain de renom.
Si la construction de la basil ique relève elle-même du génie créatif, ce n’est pas tout. Aux noms de Bramante, des frères da Maiano et de Vanvitelli s’ajoutent ceux d’artistes non moins connus. À l’intérieur de l’édifice religieux, les pèlerins découvrent par exemple les fresques exceptionnelles de Cesare Maccari, un chef-d’oeuvre réalisé entre 1888 et 1895. Les amoureux d’art peuvent aussi apprécier son travail mural dans l’église Notre-Dame-de-la-Consolation à Gênes. Si Angiolillo Arcuccio a été le premier à représenter la Sainte Maison en peinture, de nombreux artistes lui ont emboîté le pas. Le musée de Loreto accueille d’autres oeuvres plus tardives. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le Napolitain dépeint l’édifice sous forme de colonnes, contrairement à ses successeurs, comme Francesco Menzocchi qui, lui, peint une « vraie » maison cent ans plus tard environ. Et comment ne pas évoquer Lorenzo Lotto ? L’un des plus dignes représentants de la Renaissance vénitienne termine sa vie à Loreto, à partir de 1552, en se consacrant à Dieu et à la peinture. Il y devient oblat et réalise, entre 1552 et 1556, l’une de ses dernières oeuvres, la Présentation au Temple. Dans un autre style, les tatouages de Loreto acquièrent aussi une renommée au fil du temps. Ils servent à authentifier le pèlerinage des croyants venus jusque dans les Marches. Bien sûr, à l’époque, les tatouages de la Vierge ou de saint François portant les stigmates n'ont pas la signification des tatouages actuels et manifestent avant tout un acte de dévotion.
Depuis la Translation de la Sainte Maison au XIIIe siècle jusqu’à nos jours, le sanctuaire de Loreto demeure un lieu incontournable pour les croyants du monde entier, mais aussi pour tous les curieux à la recherche d’un lieu époustouflant d’histoire, de tradition et d’art.
Maxime Dewilder
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