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Paray-le-Monial, 350 ans d'un amour pas comme les autres

Vitrail représentant la vision de Marguerite-Marie Alacoque. / © CC0.

Du mystère au mystique, cette rencontre d’amour tendre, complexe et délicate fête aujourd’hui ses 350 ans. Pour l’anniversaire de ces apparitions, la ville de Paray-le-Monial organise des célébrations jusqu’au 27 juin 2025. Le père Étienne Kern, recteur du sanctuaire du Sacré-Coeur de Paray, nous confie : « Ce jubilé établit le lien avec le sacrement de l’Eucharistie. Il nous plonge dans le mystère de la liturgie, comme une rencontre personnelle, vivante, joyeuse et transformatrice avec le Seigneur. » Pour beaucoup, la dévotion au Sacré Coeur de Jésus se résume à une belle histoire d’amour, faite d’élans de tendresse et de déclarations passionnées d’une religieuse à son époux. Les premières manifestations de Jésus à sainte Marguerite-Marie revêtent en effet une dimension d’engagement, comme lors de noces. Selon Henri Appert, chef de projet événementiel pour l’association Hozana, « la fiancée découvre les battements d’amour de son Bien-Aimé ».

 

LE PLAN DIVIN

Le 22 juillet 1647, Marguerite-Marie voit le jour à Vérosvres en Bourgogne. Trois jours après sa naissance, elle est baptisée dans l’église du village, un moment clé qui scellera son destin vers la vie religieuse. À cinq ans, elle proclame déjà son amour pour Jésus. Entre chemins de campagne et vallons préservés par des chênes, Marguerite-Marie s’épanouit. À huit ans, elle perd son père mais retrouve la joie en priant devant le tabernacle de l’église. Dans ses mémoires, la future visitandine écrira son souhait de rendre à Jésus « amour pour amour », une phrase qui résonne toujours 350 ans plus tard, puisqu’il s’agit du thème du jubilé.

À dix-huit ans, quand sa mère désire la marier, Marguerite-Marie découvre les plaisirs de la vie, les bals et les jolies toilettes. Elle se trouve déchirée entre les demandes en mariage et les appels de Jésus-Christ à qui elle consacre finalement sa vie. En juin 1671, elle franchit pour la première fois les portes du couvent de la Visitation à Paray-le-Monial. C’est là qu’elle entend une voix intérieure lui disant : « C’est ici que je te veux ! » « Sainte Marguerite-Marie montre une grande confiance en Jésus. Elle vit un amour qui dissipe les peurs et qui rend toute chose possible. Elle semble prête à toutes les folies pour son Bien-Aimé, à l’instar de Charles de Foucauld », souligne Henri Appert.

 

LES DÉCLARATIONS D’AMOUR

Marguerite-Marie assume désormais le rôle d’aide-soignante à l’infirmerie de la Visitation. Dans son autobiographie, elle relatera ses nombreux échanges avec le Sacré Coeur, emblème de la miséricorde du Christ. Le 27 décembre 1673, agenouillée à la chapelle, elle voit pour la première fois Notre Seigneur qui lui révèle son Coeur sacré entouré de flammes : « Il me fit reposer fort longtemps sur sa divine poitrine, où il me découvrit les merveilles de son amour et les secrets inexplicables de son Sacré Coeur, qu’il m’avait toujours tenus cachés. » Elle se rappelle aussi dans ses mémoires les mots de Jésus : « "Veux-tu me donner ton coeur ?" Il le prit et le mit dans le Sien, où il se consuma comme un petit atome dans une ardente fournaise. » Le recteur du sanctuaire nous apprend à ce sujet : « C’est une expérience transformatrice d’avoir le coeur enflammé qui devient doux et humble comme le Coeur de Jésus. C’est une puissance symbolique et spirituelle. Le Seigneur lui a fait plusieurs demandes, dont celle de communier fréquemment le premier vendredi du mois et de vivre l’heure sainte tous les jeudis soir afin d’être uni au Seigneur dans son agonie et d’intercéder pour les pécheurs. À Paray-le-Monial, l’heure sainte est retransmise en direct. »

En juin 1675, c'est le temps de la « grande apparition ». Dans le jardin du couvent, les roses sont épanouies et les cierges brûlent sur l’autel de la chapelle. La jeune visitandine est en adoration devant la Sainte Hostie lorsque Jésus lui adresse ces mots : « Voici ce Coeur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour. Et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes par leur irrespect et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour… »

En juin 1689, Jésus confie à Marguerite-Marie la mission de transmettre à Louis XIV les demandes suivantes :

  • L’institution d’une fête en l’honneur de son Sacré Coeur (fêtée dix-neuf jours après la Pentecôte) : la fête est officiellement inscrite au calendrier liturgique universel le 23 août 1856 par le pape Pie IX.
  • La création d’une basilique dédiée au Sacré Coeur. Celle de Montmartre (« mont des Martyrs ») est construite en 1873. Le 1er août 1885, c’est le début de l’adoration eucharistique continue qui n’a jamais cessé depuis.
  • La consécration de la France au Sacré Coeur.
  • L’ajout du Sacré Coeur sur le drapeau français. Tout comme la demande de consécration de la Russie au Coeur immaculé de Marie, faite à Fátima en 1917, cette demande divine n’a toujours pas été exécutée.

 

MESSAGÈRE DU COEUR DE JÉSUS

Dans son village natal, la demeure de Marguerite-Marie transformée en chapelle est devenue une escale spirituelle sur la route qui mène au sanctuaire de Paray-le-Monial (à 30 kilomètres de Vérosvres). La prochaine étape conduit à la chapelle de la Visitation, lieu des apparitions du Christ, à quelques pas de la magnifique chapelle La Colombière qui expose les reliques de saint Claude. Puis la basilique du Sacré Coeur et le parc des Châtelains, qui arbore un dôme dédié à cette histoire, permettent de découvrir pleinement la dévotion au Sacré Coeur de Jésus. « On estime qu’il y a entre 80 000 et 100 000 personnes qui viennent à Paray-le-Monial chaque année », précise le recteur.

 

QUAND LE SACRÉ COEUR TOUCHE D’AUTRES COEURS

François-Xavier, un Belge de 28 ans, a vécu une rencontre émouvante sur ce lieu sacré. Son parcours tumultueux a été marqué par des moments sombres qui l’ont conduit à une quête de sens. Étudiant, il s’est éloigné de sa foi, plongeant dans l’alcool et la drogue. « J’étais vide et je voulais en finir. C’était un combat. Un jour, j’ai décidé de reconstruire ma vie dans un autre pays. J’ai pris ma voiture pour me rendre dans le Sud, en Espagne ou en Italie, et sans vraiment bien comprendre, je me suis retrouvé à Paray, dans une petite chapelle consacrée à la Vierge Marie. En entrant, j’ai fait un constat : j’étais en paix », raconte-t-il. Quelques jours plus tard, il croise par hasard une soeur qui le guide vers Jésus : « Elle m’a touché par sa joie. » Il décide enfin d’aller prier à la chapelle de la Visitation. « Le Seigneur m’a comblé d’amour et m’a parlé, c’était un dialogue intérieur. C’était une joie immense d’être aimé. J’ai roupillé dans le coeur de Jésus pendant des heures », conclut-il. Bena, une femme chrétienne qui recherchait un sens à sa vie, a partagé une expérience similaire : « Il y a un avant et un après Paray. [...] Je suis venue ici par hasard. Pendant une prière, j’ai entendu les paroles du Seigneur qui m’ont bouleversée. J’ai senti une douche d’amour de haut en bas, sur tout le coeur. Jésus a enveloppé mon coeur d’amour et m’a guérie. »

 

UN APPEL À LA CONSOLATION

Il y a donc 350 ans, Notre Seigneur chargeait sainte Marguerite-Marie de nous rappeler cet amour infini qu’il nous porte à travers son Sacré Coeur débordant de tendresse et de miséricorde. Ce message résonne particulièrement à notre époque et le père Kern établit ainsi un parallèle entre hier et aujourd’hui : « Jésus s’est plaint de n’être pas aimé au XVIIe siècle, quand tout le monde était catholique pratiquant ! Aujourd’hui, l’indifférence et l’ingratitude envers Dieu sont à leur paroxysme. Cet anniversaire est une occasion de réconciliation et une possibilité – pour l’ensemble du peuple chrétien – de faire un don de consolation. »

Octavie Pareeag

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