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Le pape François et la France, un désamour ?

© CC0 Mazur/catholicnews.org.uk, flickr.

La « fille aînée de l’Église » aurait-elle été boudée par le Saint-Père ? C’est une des questions qui resurgissent à l’occasion du décès du pape François, emporté à 88 ans par un accident vasculaire cérébral, le 21 avril, lundi de Pâques.

Cette interrogation peut sembler paradoxale puisque la France est, après l’Italie, le pays européen le plus visité par le pape François durant son pontificat (2013-2025), avec trois voyages en douze ans : à Strasbourg (2014), à Marseille (2023) et à Ajaccio (2024). Mais aucune de ces visites n’a eu le statut de « visite officielle ». Qui plus est, le Saint-Siège n’a pas manqué de souligner, avant chacun de ces voyages, que le Souverain pontife ne rendrait pas visite à la France : il allait à Strasbourg pour rencontrer le Parlement européen, à Marseille, pour participer à une conférence sur la Méditerranée, et à Ajaccio, pour assister à un colloque sur la religiosité populaire !

Cette apparente désaffection touche en réalité toute l’Europe. Premier pape non européen depuis treize siècles, l’Argentin Jorge Mario Bergoglio a clairement désigné « les périphéries » et les régions du monde les plus défavorisées, de l’Albanie au Bangladesh, comme objectif de l’action caritative et évangélisatrice de son pontificat. Il se montrait sévère pour la vieille Europe qu’il jugeait trop égoïste et trop matérialiste. Il a totalement « snobé » des pays européens de premier plan, tels que l’Espagne, l’Allemagne, et le Royaume Uni. Mais la France, habituée à être « chouchoutée » par les papes, et se prévalant de son vieux titre de « fille aînée », a ressenti plus que d’autres nations européennes cette relative désaffection comme une preuve de désamour, voire de désaveu.

En réalité, si désaveu il y eut, il ne toucherait pas tant le peuple français que ses dirigeants à commencer par le président de la République. Les commentaires n’ont pas manqué au Vatican sur la posture affective qu’Emmanuel Macron avait adoptée avec le Souverain Pontife comme avec d’autres chefs d’État pour suggérer un copinage, tutoiement, contacts physiques et embrassades. Quoi qu’il en soit, il est avéré que le Pape était vent debout contre l’inscription dans la Constitution française de l’interruption volontaire de grossesse, et contre le projet de légalisation de l’euthanasie dont l’examen, interrompu par la dissolution, a repris à l’Assemblée nationale. Le pape François n’aurait pas caché sa désapprobation pendant ses tête-à-tête avec Emmanuel Macron. Il l’aurait, en outre, marquée publiquement lors de sa venue à Marseille, fin 2023, en refusant la proposition insistante de l’Élysée d’un dîner avec le président de la République. Accusant le coup, Emmanuel Macron avait boudé la cérémonie d’accueil et ne s’était rendu à Marseille que pour assister à la grand messe célébrée au Stade-Vélodrome. Un an plus tard, une nouvelle invitation pressante de l’Élysée s’était heurtée à une fin de non-recevoir : invité à la cérémonie de réouverture de Notre-Dame le 7 décembre 2024, cinq après l’incendie qui avait ravagé la cathédrale, le pape François avait fermement refusé. Cette absence du chef de l’Église dans un rassemblement devenu mondial en raison de la venue de nombreux chefs d’État, avait été d’autant plus rudement ressentie que huit jours plus tard, le 15 décembre 2024, l’évêque de Rome s’était rendu à Ajaccio, à l’invitation de son ami le cardinal Bustillo, pour y honorer la piété populaire des Corses.

«Demander si le pape nous aime ou non » est une approche « très adolescente » avait alors déclaré à l'AFP le président de la conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort. Se disant « frappé » par le nombre d'auteurs français cités dans les lettres et encycliques du pape François, l’archevêque de Reims y avait vu une preuve que le souverain pontife prenait « la France et l'Église en France très au sérieux ». Il avait ajouté : « C'est précisément pour ça qu'il ne veut pas venir en France, parce qu'il considère qu'il y a des endroits qui en ont plus besoin. »

(Sources : Europe 1 23/04/2025 ; BFMTV ; Le Figaro 22/04/2025)

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