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« L’Église est en train de mourir en Syrie »

Drapeau de la Syrie / © CC0 Wikimedia.

Difficile de trouver un pasteur plus attaché au maintien des chrétiens en Syrie que Mgr Youlian Jacques Mourad. Il est resté au cœur des combats même aux pires heures de la guerre civile syrienne, ce qui lui a valu d’être enlevé et torturé par des militants de l’État islamique en 2015. Or, cet homme sans peur pour lui-même craint aujourd’hui ouvertement une « disparition » pure et simple de son Église. D’habitude, les clercs syriens se montrent raisonnablement optimistes, afin que le peuple très éprouvé des chrétiens syriens conserve l’espoir d’un avenir possible sur sa terre ancestrale. Mais dans un entretien donné à l’Aide à l’Église en Détresse, le prélat a renoncé à cette précaution, tant l’urgence de la situation prend le pas sur toute autre considération.

« L’Église est en train de mourir en Syrie », lance Mgr Mourad. En effet, explique-t-il, la situation aussi bien politique que juridique est insoutenable. Les chrétiens quittent en masse le pays, à la recherche de meilleures conditions de vie. II n’en resterait plus de 540 000 en Syrie, contre 2 100 00 en 2011, avant la guerre civile. L’Église locale tente désespérément de freiner ce flux migratoire, mais elle est impuissante à changer les données du problème : « Il est impossible de limiter une vague migratoire sans établir d’abord un modèle politique de gouvernement bien défini en Syrie, et un système de sécurité solide », reconnaît Mgr Mourad.

Or, en fait de système de sécurité solide, le pays s’enfonce dans un cycle de représailles d’après-guerre. Le prélat compare la Syrie contemporaine à l’Afghanistan, soumise à l’arbitraire de groupes armés incontrôlés. Rien dans la situation qu’il observe ne l’incline à envisager une amélioration de la situation : « Ne pensez pas que nous marchions vers la liberté, ni la liberté religieuse, ni aucun autre type de liberté », affirme-t-il.

Le pays est en train de payer l’addition d’une histoire tourmentée. Durant l’ère des Assad, une profonde division s’est créée entre l’État et le peuple. Habitués à se méfier de leur gouvernement, les Syriens n’accorderont pas facilement leur confiance à la nouvelle administration. « Les gens n’ont confiance ni dans le gouvernement local ni dans la communauté internationale. Nous ne faisons confiance qu’à Dieu », déclare le prélat.

Comme quasiment tous ses compatriotes, Mgr Mourad craint que l’état de faiblesse de sa patrie soit exploité par des pays voisins. En particulier l’État israélien, qui pourrait acquérir les hauteurs du Golan dans le cadre des accords de paix israélo-syriens. Il considère que cela signifierait « priver les habitants de Damas de sources d’eau et les asservir ». Il interroge : « Qui accepterait un tel traité ? Où sont les valeurs des droits de l’homme qui devraient aider à prendre des décisions justes pour les deux parties ? »

Devant l’ampleur de ces enjeux, l’Église syrienne propose des rencontres interreligieuses, dans l’espoir d’éveiller les futurs responsables politiques à la richesse de leur pays. Mais aux yeux de Mgr Mourad, l’Église a surtout pour vertu de témoigner de la vérité au cœur d’une nation en ruine. Il conclut : « Nous remercions Dieu pour l’existence de l’Église qui nous rappelle à tous l’éthique de la justice et la dignité de l’être humain comme valeur suprême. »

(Source : Aide à l’Église en Détresse 29/10/2025)

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