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Seidnaya, deuxième haut lieu saint orthodoxe

À Seidnaya, au nord-est de Damas, se trouve le couvent de Chaghoura. Bâti sur un roc comme une forteresse au sommet d’une montagne, il est mondialement connu pour être le deuxième haut lieu saint orthodoxe après Jérusalem.

Le monastère Notre-Dame de Seidnaya. / © CC BY 3.0, Jerzy Strzelecki.

Seidnaya (Syrie), siège de l’ancien patriarcat d’Antioche qui culmine à 1 450 mètres au-dessus des vallées de la Ghouta et de Bahoul, s’appelait autrefois « Danaba », du temps où elle était habitée par les Araméens, avant d’être envahie par les Grecs puis les Arabes. Le couvent de Chaghoura (« La Célèbre »), dédié à la Nativité de la très sainte Theotokos, a quant à lui conservé son nom araméen, une langue que l’on parle encore couramment dans cette région de Syrie. Il possède une bibliothèque de livres rares et précieux, des manuscrits du VIe siècle qui font le bonheur des chercheurs, savants et auteurs. Le plus connu d’entre eux, Chehab Al-Dine Homri, a réalisé une étude complète sur cette région de Syrie qui compte le plus grand nombre d’édifices religieux, comme le monastère catholique romain Saint-Thomas, le monastère orthodoxe Saint-Estpharios, le monastère des Chérubins et le monastère Saint-Ephrem. Mais ce qui attire le plus les visiteurs du monde entier, c’est le trésor inestimable qu’abrite la grotte du couvent : un portrait de la Vierge peint à la main par l’apôtre Luc.

Après quelques kilomètres d’une route en lacis, nous voilà arrivés à destination… D’emblée, la majesté du lieu nous saisit, l’air est vif et une centaine de marches nous attendent. Au milieu de l’escalier, une grosse tache huileuse a dessiné les contours d’une silhouette de femme que la piété de la cinquantaine de religieuses sur place a fait protéger par un grillage. L’histoire raconte qu’une mère de famille musulmane en grande détresse avait demandé une grâce à la Vierge. Ayant été exaucée et malgré sa pauvreté, elle alla remercier Marie avec, sur ses épaules, une tanaké (un bidon de 20 litres) d’huile d’olive. Les escaliers étant raides, elle déposa son fardeau sur une marche pour reprendre son souffle. Quand elle le reprit un instant après, la trace d’une silhouette pure et belle était incrustée dans la pierre : une délicate attention de la Vierge.

 

QUINZE SIÈCLES D’HISTOIRE ET DE LÉGENDES

En haut des marches, un patio dévoile une petite porte derrière laquelle se tient une grande dame en noir. Il émane d’elle une gravité et une majesté naturelle. Après nous avoir bénis, elle nous prie de prendre place dans le salon typiquement oriental où des invités onusiens de passage sont déjà installés. Christina Baz, supérieure générale du couvent de Chaghoura de Seidnaya, s’assoit sur un fauteuil en velours bordeaux, ses mains croisées sur un crucifix retenu par une lourde chaîne en or. Après les présentations, elle prend la parole : « Savez-vous d’où vient le nom "Seidnaya" ? De deux mots syriaques : "naya" qui veut dire "notre" et "seida" qui signifie "dame". Une autre étymologie le rattache à Justinien, "naya" pouvant signifier "lieu", "endroit" et "seida" "chasse" o u " lieu de chasse". » On raconte que Justinien Ier, empereur de Byzance, traversant la Syrie avec ses troupes pour gagner la Terre Sainte ou partir en campagne contre les Perses, arriva dans ce désert, où son armée campa. La Sainte Vierge lui apparut alors par deux fois et lui confia un magnifique projet de couvent, dont elle serait la protectrice.

Le sanctuaire actuel a été érigé vers 547 après Jésus-Christ, ce dont témoignent les nombreux et précieux manuscrits de la bibliothèque. L’icône miraculeuse de la Reine du ciel fut introduite par Théodoros, un moine grec venu d’Égypte qui, comme Justinien mais sans intention belliqueuse, traversait la Syrie pour se rendre en Terre Sainte. Lors de son départ, l’abbesse Marina, la supérieure de l’époque, le chargea d’acheter à Jérusalem une précieuse icône de la Vierge, celle que l’on disait peinte par saint Luc. Il la trouva et, au retour, attaqué par des bêtes féroces puis par des pillards, il invoqua à chaque fois l’aide de celle dont il portait l’image vénérable. Convaincu qu’il lui devait la vie sauve, il eut l’idée de garder l’icône pour lui et prétexta avoir oublié la demande que la supérieure lui avait faite. Le lendemain matin, alors qu’il devait reprendre la route, une force irrésistible immobilisa le pèlerin dans son lit. Puis, alors qu’il tentait de quitter le couvent en secret, il fut incapable de trouver la sortie du sanctuaire. Il se résolut alors à confesser son mensonge et, depuis quinze siècles, la « Chaghoura » peinte par saint Luc est un objet de vénération devant lequel chrétiens et musulmans viennent prier.

Vint s’ajouter un orphelinat créé après l’école, en 1919, au sortir de la Première Guerre mondiale, dans des conditions très difficiles, car le pays était toujours sous le joug de l’Empire ottoman. La pauvreté était largement répandue, ainsi que de nombreuses maladies, comme la malaria et la variole. En 1946, l’école comptait déjà 50 orphelines qui avaient été sauvées de la grande misère, tout comme la supérieure générale actuelle, mère Christina, qui a toujours souhaité intégrer ce couvent, « probablement à cause de la mort prématurée de mon père qui était libanais, confesse-t-elle. Compte tenu de mon jeune âge, ma tante s’est mise en relation avec Maria Maalouf, la mère supérieure de l’époque, afin de lui demander de nous recevoir. J’avais 8 ans à peine, c’était en 1946. J’ai été intégrée directement dans le pensionnat de l’école pour poursuivre ma scolarité. À 13 ans, je suis devenue novice avec 11 autres de mes soeurs pour neuf ans et, en 1961, je suis devenue moi-même enseignante de langue arabe. En 2002, j’ai été nommée mère supérieure et, en 2005, le patriarche orthodoxe de tout le Proche-Orient, monseigneur Gratios Maximos VI, m’a nommée et consacrée dans cette Église. »

 

DE NOMBREUX MIRACLES ATTESTÉS

Aujourd’hui, le village de Seidnaya ne compte plus que 15 000 habitants, mais « les visiteurs viennent du monde entier pour prier et pour venir chercher de l’huile qui a une grande importance dans notre divine liturgie, nous informe mère Christina. Nous recevons autant de pèlerins syriens musulmans que de chrétiens. Il y a régulièrement jusqu’à 5 000 personnes par jour, un nombre multiplié par quatre les jours de la Nativité de la Vierge le 8 septembre, de la fête de la Sainte-Croix le 14 septembre et le jour de Pâques. » À Seidnaya, les miracles physiques et spirituels, comme les écoulements d’huile, sont fréquents. Et s’il n’y a pas de commission médicale comme à Lourdes pour les authentifier, « nous avons nos propres archives », souligne mère Christina, avant de nous donner quelques exemples enregistrés suite à la réception d’avis et de certificats médicaux.

Georges Séraphin, un Syrien de 60 ans originaire d’un village situé entre Alep et Hama, était aveugle d’un oeil et devait être opéré avec peu d’espoir de retrouver une vue normale. Il raconte : « J’étais très malheureux et sceptique quant à l’issue de l’opération qui m’était proposée. La veille, avant de m’endormir, j’ai fait une prière du fond du coeur à Notre-Dame de Seidnaya pour qui j’ai une grande dévotion. La nuit même, je l’ai vue dans un rêve qui passait sa main avec douceur sur la paupière de mon oeil malade. Une lumière m’a ébloui et, quand je me suis réveillé, je voyais à nouveau des deux yeux. Le matin même, je me suis précipité chez mon chirurgien qui m’attendait pour l’intervention : il m’ausculta et constata avec stupéfaction la guérison totale et scientifiquement inexplicable de mon oeil aveugle. »

Ce miracle a eu lieu il y a à peine cinq ans et le sanctuaire conserve une copie du rapport du chirurgien attestant de sa guérison.

 

« TU VAS GUÉRIR »

Mère Christina nous rapporte aussi le cas d’une jeune mère de trois enfants qui avait perdu l’usage de la parole après une forte émotion due à un choc terrible. Elle avait consulté de nombreux médecins et professeurs et s’était soumise à toutes les analyses, examens et investigations possibles et imaginables, sans que la science puisse lui restituer sa voix. En désespoir de cause, après plusieurs mois sans résultats, elle est venue demander aux soeurs d’intercéder auprès de Notre-Dame de Seidnaya. « On a commencé par lui faire une onction d’huile sur le front et au niveau de la gorge. Ensuite, elle a décidé d’avaler un morceau de coton imbibé d’huile bénite et a passé la nuit au couvent. Avant de nous quitter le lendemain, elle a assisté à la divine liturgie, et on a tous prié pour elle. Elle a communié, et j’ai moi-même fait une prière spéciale pour sa guérison. Avant de nous quitter, toujours privée de sa voix, je lui ai offert un mouchoir béni de la Vierge. Quatre jours plus tard, elle est revenue de Damas et, pour la première fois, nous avons entendu sa voix résonante de joie. »

Un miracle s’est aussi produit sur une femme musulmane atteinte d’une tumeur au sein, en phase terminale, qui avait très peur de mourir. Une ultime intervention chirurgicale l’attendait. La veille, elle fit un rêve étrange dans lequel elle se voyait en prière. Soudain, une silhouette lumineuse se pencha sur elle : « Mais qui êtes-vous ? », demanda-t-elle. Et la silhouette de lui répondre : « Tends la main. » Elle reçut alors une croix avec ces mots : « Par cette croix, tu vas guérir. » Bien qu’elle fût dans un rêve, elle crut tout de suite en sa guérison. Dès son réveil, elle contacta son chirurgien, musulman lui aussi. Stupéfaction : la tumeur avait complètement disparu. La patiente confia son rêve au médecin qui répondit : « Hakan Allah ou Akbar ! Vraiment, Dieu est grand ! » « Cette dame est venue à notre couvent pour témoigner et nous confier le rapport médical attestant de sa guérison totale », se souvient parfaitement mère Christina.

Au terme de notre visite, comme le prêtre Théodoros, mais pour d’autres raisons, je n’arrivais pas à me séparer de cette grande dame en noir, subjugué par ses paroles et la majesté qu’elle dégageait. J’ignorais à cet instant qu’elle n’avait plus que quelques jours à vivre. Elle s’est éteinte peu après notre passage, en toute sérénité.

Jean-Claude Antakli

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