Deux fois intouchables

Le gouverneur de l’État de Maharashtra, Devendra Fadnavis, dénonce les Indiens sans caste qui seraient « crypto-chrétiens » dans un entretien donné le 17 juillet dernier. Cette annonce renforce les inquiétudes des chrétiens issus du groupe des « intouchables », ou dalits, qui sont les plus déconsidérés et les plus pauvres des Indiens.

Peu après la création de l’État indien, en 1947, la question des Dalits a été soulevée au sein du nouveau gouvernement. Ces Indiens sans caste avaient très peu accès à l’éducation, ils étaient déconsidérés et subissaient une oppression systématique de la part des autres castes. Pour leur venir en aide, une série de mesures leur a été consacrée. À partir de 1950, des quotas de salariés « intouchables » étaient imposés aux entreprises. Ils bénéficiaient aussi d’allocations pour l’éducation et de sièges dans les corps législatifs et les institutions académiques. Ces mesures étaient réservées aux intouchables hindous. Elle a ensuite été étendue aux sikhs et aux bouddhistes, mais jamais aux musulmans et aux chrétiens. Par conséquent, beaucoup d’Intouchables convertis au christianisme préfèrent vivre leur foi discrètement, afin d’éviter d’être la cible des extrémistes hindous et de bénéficier des aides proposées par l’État indien.

L’annonce de Devendra Fadnavis provoque chez eux une grande inquiétude, car le gouverneur a menacé d’aller recouvrir les allocations versées à quiconque les aurait reçues en produisant de « faux certificats d’appartenance à une caste ». De telles mesures ont déjà été appliquées dans des États voisins, au grand dam des chrétiens dalits, qui sont deux fois discriminés, en raison de leur caste et de leur religion. En effet, les intouchables qui se convertissent au christianisme ne cessent pas d’être des « sans caste » aux yeux des Indiens, qui continuent à être profondément influencés par les ségrégations millénaires héritées de leur civilisation.

John Dayal, journaliste indien chevronné et porte-parole de la All India Catholic Union, dénonce une « compétition entre les dirigeants d’État acquis au nationalisme indien. Ils cherchent le meilleur moyen de persécuter les minorités religieuses. »

Il rappelle que les églises indiennes sont un lieu de rencontre entre toutes les communautés : « Pas nécessairement parce que les visiteurs d’autres religions envisagent de se convertir, mais parce qu’ils cherchent un lieu de paix et de soutien spirituel. » Il s’agit là d’une tradition séculaire de communication entre les religions, qui participe à la cohésion de la société indienne et qui est menacée en raison de l’agenda politique des nationalistes hindous.

(Source : Ucanews 21/07/2025)

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