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Medjugorje : lieu extraordinaire de grâces et de conversions

Le 35e festival des jeunes, « Mladifest », s’est tenu du 1er au 6 août dernier à Medjugorje, en Herzégovine, où 70 000 pèlerins ont pu approfondir les messages de Notre Dame de la Paix qui viennent d’obtenir le nihil obstat du Vatican le 19 septembre dernier.

© CC0 gnuckx, flickr.

Lors de la messe d’ouverture du festival, des dizaines de milliers de fidèlesde 80 nationalités se sont rassemblés devant l’autel extérieur érigé en 1989. Sur la place en forme de demi-cercle, située derrière l’église catholique Saint-Jacques reconnaissable par ses deux tours carrées coiffées par des toits en tente, les centaines de bancs en bois ne suffisent pas à accueillir l’importante foule bigarrée présente pour cette édition du 35e Mladifest. Les plus prévoyants, sans doute habitués, ont emporté des chaises pliables, des tapis de mousse, ou même des petites planches de polystyrène vendues environ 2,50 euros dans de nombreuses boutiques de la ville. Les autres, comme cette dame d’une soixantaine d’années dont les chevilles ont l’air bien douloureuses, sont assis à même le sol pour cette première journée de prière, sans sourciller. Rien n’est trop désagréable pour honorer Notre Dame. Sous un soleil de plomb, jeunes et moins jeunes, religieux et laïcs, personnes atteintes de handicap et bien portants, français, italiens, croates, bosniaques, etc., tous sont rassemblés, ne formant qu’un seul corps, celui du Christ.

 

LA VRAIE JOIE PARTAGÉE

Comme aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), des dizaines de drapeaux aux couleurs et aux formes variées flottent dans l’air, faisant la fierté de ceux qui les agitent et la joie des autres qui les observent. Parmi ceux qui ont les mains libres, beaucoup manipulent un chapelet ou un dizainier. Antonio, un sexagénaire portugais organisateur de pèlerinages – dont quatre-vingts à Medjugorje –, accompagne une cinquantaine de pèlerins. « J’ai fait mon chemin de conversion ici même ! Dans le cadre de mon métier, je vais partout : à Kyoto au Japon, à Kibeho au Rwanda, à Garabandal en Espagne, à Lourdes, à Pontmain, à Pellevoisin, etc. Mais mon lieu préféré, là où je sens vraiment la présence de la Vierge, c’est ici. À Medjugorje, elle est apparue, elle a délivré des messages qu’elle nous demande de vivre vraiment. » 18 heures. La récitation du rosaire débute, traduite dans de nombreuses langues pour les pèlerins équipés de petites radios portatives. Trente-cinq ans après le premier festival, l’organisation est bien ficelée. Des airs de guitare résonnent dans le ciel bleu azur avant que retentissent d’une seule voix les paroles de très beaux chants chrétiens. Un petit garçon de cinq ou six ans s’ennuie alors que ses jeunes parents unis ne perdent pas une miette de la célébration. Il finira par comprendre… L’après-midi se poursuit par la présentation festive des dizaines de pays représentés, dont certains sont peu connus, puis la soirée s’achève par la messe, apothéose de cette première journée de festival. Alors que la nuit est tombée, chacun regagne son logement, les jambes engourdies par la chaleur et le coeur gonflé de la paix du Christ. L’abbé Théophile, directeur d’une école au Rwanda, visite Medjugorje pour la seconde fois et reconnaît : « C’est un bon endroit pour prier, pour méditer à partir de l’Évangile et faire une introspection, observer un temps de silence. Chaque moment de prière ici est un moment de grâce. Avoir le temps de prier, d’être tout près de Dieu est une grâce ! »

Difficile de ne pas faire un parallèle avec la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques organisée six jours plus tôt à Paris, à 1 800 kilomètres de Medjugorje. Ici, aucune tenue hyper provocante, de tête coupée, de drag-queen exubérant ni de blasphème piètrement déguisé. Pourtant, la joie véhiculée ne semble pas moindre, les rires moins francs, les yeux moins pétillants, bien au contraire… Et toute cette semaine de festival se déroule ainsi, dans une vraie joie. Entre les prières, les messes et les témoignages, les fidèles chantent, dansent, virevoltent, le visage baigné de soleil et illuminé 

d’un sourire largement partagé dans l’assemblée. Pour la grande majorité des pèlerins, le style vestimentaire n’a en réalité que peu d’importance et pas un quidam ne semble ressentir de la honte à s’agiter gaiement sur les airs de chansons qui jamais ne seront diffusées à la radio. Seules l’allégresse et la communion avec le Christ comptent. Le thème de cette année est d’ailleurs arrimé sur l’importance de la Parole de Dieu, illustrée par ce verset de l’Évangile de Luc : « Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée » (Lc 10,42).

Christine, avec qui je partage un parapluie rouge prêté par sa mère pour nous abriter du soleil brûlant, est venue de la Martinique avec son fils de 20 ans. Elle a débarqué à Medjugorje le lundi précédent, pour une dizaine de jours avec un groupe de pèlerins. D’origine modeste, c’est entièrement grâce à la Providence qu’elle a pu financer ce séjour rêvé en Herzégovine. « J’ai dit à la Vierge : "Tu te débrouilles, je veux y aller !" Et ça a marché ! » Après plus de vingt heures de voyage, cette petite femme joyeuse a enfin découvert une terre bénie si souvent imaginée. « Je n’ai plus envie de repartir », confie-t-elle pour clore la conversation dans un large sourire pas encore nostalgique. Les premières fois des uns sont les traditions des autres. Rencontré dans la file d’attente pour la confession, un jeune trentenaire originaire du sud de la France reconnaît sans rougir visiter le lieu pour la dix-septième fois : « La Vierge m’a demandé de venir ici cette année. Pour l’instant, je ne sais pas trop ce qu’elle attend de moi. J’attends. »

 

LA COLLINE DE TOUTES LES PROMESSES

Autre lieu, autre ambiance. À deux kilomètres au sud de la place principale de la ville très animée se trouve la colline des apparitions. Entre 7 000 et 8 000 pèlerins grimpent quotidiennement le dénivelé de 500 mètres qui les sépare de la grande statue de la Vierge installée sur le lieu même des premières apparitions. Tout a commencé le mercredi 24 juin 1981, jour de la fête de saint Jean-Baptiste. Alors qu’ils sont en balade, six jeunes Croates d’Herzégovine – quatre filles et deux garçons prénommés Ivanka, Mirjana, Vicka, Marija, Ivan et Jakov – aperçoivent une Dame lumineuse sur le flanc de la colline. Dès le lendemain, le dialogue est établi et le groupe des voyants est formé. La Dame se présente comme étant la Reine de la Paix et apparaît chaque jour aux jeunes du village, âgés à l’époque de 9 à 16 ans. Dans les premières années, le dialogue est quotidien et les enfants transmettent régulièrement ce qui leur est dit. Puis, du 1er mars 1984 au 8 janvier 1987, des messages hebdomadaires sont reçus, destinés d’abord aux habitants du village puis au monde entier. Enfin, depuis le 25 janvier 1987, des messages mensuels sont transmis le 25 de chaque mois. S’il serait bien difficile d’en faire une synthèse, retenons que la Vierge souhaite nous éduquer à la paix et à la réconciliation : « Chers enfants ! Aujourd’hui, ma prière avec vous est pour la paix. Le bien et le mal se battent et veulent régner dans le monde et dans le coeur des hommes. Vous, soyez des personnes d’espérance, de prière et de grande confiance en Dieu le Créateur à qui tout est possible. Petits enfants, que la paix règne en vous et autour de vous. Je vous bénis de ma bénédiction maternelle, afin que vous, petits enfants, soyez joie pour tous ceux que vous rencontrez. Merci d’avoir répondu à mon appel » (message du 25 août 2024).

Quarante-trois ans après la première apparition sur la colline, rares sont désormais les pierres qui ne sont pas polies à force d’avoir vu se poser sur elles plusieurs millions de pieds, parfois nus. Il faut compter une bonne demi-heure pour atteindre le sommet. La montée est fatigante et laborieuse pour les moins sportifs, alors que le thermomètre atteint les 30 °C dès 10 heures du matin en ce mois d’août. Mais tout est offert à Jésus par Marie. Loin de l’émulation de la ville, une atmosphère de recueillement plane sur la colline où le peu de marcheurs qui bavardent le font en chuchotant. Des cris de bébé montent ici ou là, vite apaisés. On croise en effet tout à la fois des nourrissons de quelques semaines incapables de se mouvoir et des vieillards de 90 ans tout juste capables d’y arriver à l’aide d’un bâton de pèlerin salutaire. La montée se fait bien souvent au rythme de la récitation du chapelet, utilisé comme un fil tendu vers le Ciel pour grimper sans trébucher. Confiance est le maître mot. Une fois au sommet, on rend visite à Marie puis on remet ses peines et ses joies au pied de l’immense statue de Jésus en Croix postée à quelques mètres de sa Mère. Une femme porte ses trois enfants pour qu’ils embrassent les pieds de Notre Seigneur, suivie par un homme seul au physique imposant qui en fait tout autant avec une extrême douceur. Derrière eux, des dizaines d’autres fidèles patientent dans une file indienne qui ne s’épuise pas. Certains osent laisser couler leurs larmes sans se cacher, avec l’assurance de l’enfant lové dans les bras de son père. Que confient-ils à Celui qui est mort sur la Croix pour nous sauver ? Le secret est bien gardé.

Yann, un jeune homme fort, est l’un des rares pèlerins à faire la montée seul. Avant de s’élancer, un bâton à la main et ses chaussures entourées d’un sac plastique dans l’autre, il ferme les yeux quelques secondes et s’adresse à Dieu. « J’ai des intentions dans mon coeur », confesse-t-il. Croit-il que le Ciel va l’entendre ? « Sans aucun doute ! » Quelques instants plus tard, une femme d’une soixantaine d’années s’assied à mes côtés après avoir effectué l’ascension. « Fatigamento », souffle-t-elle. On ne parle pas la même langue, mais on se comprend. Son mari lui passe avec amour de l’eau sur la nuque et le front à plusieurs reprises pour soulager sa fatigue. Trois minutes plus tard, ils repartent, Marie les attend ailleurs. Des croyants comme eux, Anna-Maria et sa mère Garda en voient passer des dizaines de milliers chaque année. Depuis près de vingt ans, elles travaillent au pied de la colline dans un magasin de souvenirs. « C’est agréable de travailler ici, confie Anna-Maria. Beaucoup de pèlerins nous partagent leur histoire et cela nous donne constamment de l’espoir. » Quelquefois dans l’année, les deux femmes grimpent aussi la colline pour se retrouver aux pieds de Marie, notre Mère à tous.

 

DES FRUITS INVISIBLES SUR UNE TERRE ARIDE

Pour l’heure, les apparitions de Medjugorje ne sont pas officiellement reconnues par l’Église, même si un document du dicastère pour la Doctrine de la foi, approuvé par le pape François et publié le 19 septembre dernier, reconnaît « de nombreux fruits positifs » obtenus à Medjugorje et autorise les fidèles à « adhérer de manière prudente » aux messages attribués à la Vierge Marie. Ce nihil obstat (« rien ne s’oppose ») donne un feu vert à la dévotion et aux pèlerinages, sans se prononcer sur le caractère surnaturel des messages. Le texte précise toutefois qu’il se produit à Medjugorje « des conversions abondantes » et « le renouveau de la vie conjugale et familiale ». Plus de 60 millions de personnes provenant d’environ 120 pays ont en effet visité la petite ville de Medjugorje depuis le début des apparitions. Le nombre annuel de fidèles, autour de 2,5 millions, est en constante augmentation. Katrina, une jeune originaire du comté, travaille à la réception d’un grand hôtel de la ville depuis six ans. « J’ai vu l’endroit évoluer dans le bon sens. Beaucoup de pèlerins viennent, surtout depuis que les restrictions liées au Covid ont pris fin. Il y a plus de gens originaires de pays très lointains, d’Asie ou d’Amérique du Sud. Mais ce ne sont pas des touristes : les visiteurs ont une foi forte, ils sont très dévoués, jusqu’à en savoir parfois plus sur les apparitions que les locaux ! »

Pourquoi la Gospa (la « dame » en croate) a-t-elle choisi la Herzégovine, pauvre région de Bosnie où vignes, figuiers et noyers peinent à pousser tant la terre est sèche ? Antonio, l’organisateur de pèlerinages, a son idée sur la question. « Les gens ont perdu la foi. Même ceux qui se rendent sur des lieux d’apparitions le font pour demander une grâce ou allumer un cierge, mais non pour vivre les messages donnés par Marie. Ici, c’est différent. Il y a un groupe résistant qui a une foi profonde et qui ne la vit pas comme un ensemble de textes, mais comme quelque chose de vivant ! » Sur cette terre perdue au milieu des Balkans, de nombreux fruits invisibles naissent effectivement chaque jour. Paolo, un catholique portugais qui visite Medjugorje pour la première fois avec sa femme et ses deux filles, en est le témoin vivant. « Au départ, j’ai fait ce voyage pour accéder aux demandes répétées de ma femme qui voulait faire l’expérience de Medjugorje depuis des années. Et puis, j’ai compris que Dieu avait un plan pour moi aussi. Hier, je me suis confessé et c’était incroyable. La confession était pure et je me suis senti purifié de l’intérieur. Je suis une bonne personne, je ne fais pas de mal, je vais à l’église. Mais j’ai réalisé que je ne vivais pas comme Dieu le souhaitait. Je pensais que j’étais sur son chemin, mais j’avais tout faux ! Dieu avait un message spécial pour moi, comme il a un message pour chacun d’entre nous ici, pour mes filles, pour ma femme. Je ne sais pas si je reviendrai un jour à Medjugorje, mais je suis sûr que ma vie va changer. Je comprends maintenant que ce n’est pas moi qui ai amené ma femme ici, c’est elle qui m’a offert cette chance, la chance de comprendre que je suis vraiment aimé. »

Le prochain festival des jeunes de Medjugorje aura lieu du 4 au 8 août 2025, sur le thème : « Nous irons à la maison du Seigneur ! » (Ps 121,1).

Marie-Ève Bourgois

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