Jeanne, une sainte sur tous les fronts
Hautement populaire de son vivant (1412-1431), puis remise à l’honneur au XVIIe siècle, Jeanne a connu un pic de popularité inédit au XIXe siècle, toutes sensibilités confondues. Un nouvel engouement se manifeste depuis l’aube du nouveau millénaire : Jeanne séduit tous azimuts, pour le pire… et le meilleur.

Ce fut l’un des temps forts de la cérémonie d’ouverture des J.O. 2024 : une cavalière futuriste étincelante d’argent, fendant la Seine sur un cheval articulé, étendard olympique en mains. Une Jeanne aux couleurs de la modernité, pourquoi pas… si le directeur artistique des cérémonies, Thomas Jolly, n’avait insulté sa mémoire en faisant d’elle « l’une des plus grandes travesties de notre histoire ». Ce propos n’est hélas pas isolé. Depuis une vingtaine d’années, la mouvance wokiste s’approprie l’héroïne française au motif qu’elle aurait porté des habits d’homme et signifié ainsi la fluidité des genres. L’activiste et auteur transgenre Leslie Feinberg (Transgender Warriors, 1996), la romancière britannique Marina Warner (Joan of Arc, 1999) ou l’historien Clovis Maillet (Les genres fluides – De Jeanne d’Arc aux saintes trans, 2020) s’inspirent notamment de la Pucelle d’Orléans qui se retrouve aussi, bien malgré elle, dans une chanson du concours de drag queens RuPaul’s Drag Race en 2016 ou dans le spectacle de la chanteuse queer américaine Chappell Roan aux Video Music Awards 2024.
Cette récupération saugrenue est l’aboutissement d’un courant plus ancien qui a fait de Jeanne une icône féministe. Depuis la fin du siècle dernier, la mode s’est emparée de la caricature d’une intrépide guerrière adolescente matant une horde de soldats mal dégrossis. Alexander McQueen (collection automne-hiver 1998 et printemps-été 2000), Thierry Mugler (défilé haute couture automne-hiver 1998- 1999), Jean-Paul Gaultier (créateur d’une pièce à l’effigie de la libératrice d’Orléans en 2017), la maison Paco Rabanne (collection hiver 2020), ou encore Balenciaga (défilé couture Automne 2023), s’inspirent tous de notre Jeanne nationale. Les stars ne sont pas en reste, les Américaines en tête, avec l’actrice Chloë Sevigny déguisée en Jeanne d’Arc lors d’une soirée d’Halloween en 2007, tout comme l’artiste Zendaya au Gala du MET en 2018 ou encore la chanteuse Fiona Apple pour le magazine Spin en 1997. Chez nous, la chanteuse Angèle s’affiche, elle aussi, en armure en couverture du bimestriel Photo d’octobre dernier. Et ce n’est pas fini ! En 2025, la mode est au « château-core », esthétique teintée d’imaginaire médiéval mi-gothique mi-romantique, dont Jeanne d’Arc pourrait être la muse…
TOUJOURS EN HAUT DE L’AFFICHE
Deux films sur Jeanne, prévus cette année, promettent d’avoir une forte couverture médiatique et de faire couler encore beaucoup d’encre : un thriller pour Netflix signé Romain Gavras, Sacrifice, avec un prestigieux casting (Anya Taylor-Joy, Salma Hayek, John Malkovich) et un biopic pour le cinéma réalisé par l’australien Baz Luhrmann (Moulin rouge, Elvis). La génération Z serait, paraît-il, fascinée par cette combattante féministe avant-gardiste. Depuis longtemps aussi, le monde de la chanson s’inspire de la Pucelle pour en faire tour à tour un symbole de résistance à l’ordre établi, une égérie féministe ou une opprimée. Citons parmi d’autres artistes Leonard Cohen (1971), Elton John (2001), Madonna (2015) et différents groupes comme Alice Donut (1988), le groupe de metal The Melvins (1993), Sun City Girls (1996) ou encore Arcade Fire (2015).
Le fait est indiscutable : bien plus qu’un emblème national, Jeanne est, depuis plusieurs siècles, une véritable célébrité à l’international, avec tous les risques que cela engendre. Au Japon, par exemple, elle joue un rôle clé dans la série animée Fate/Apocrypha (2017) ainsi que dans le très populaire jeu vidéo Fate/Grand Order. Pourquoi cette fascination dans tous les coins du globe ? Si notre héroïne nationale jouit d’une telle aura, c’est que le message qu’elle a délivré au XVe siècle demeure, aujourd’hui encore, universellement porteur. Jeanne n’est pas seulement l’otage de la société de divertissement ou d’une clique transgressive, sa figure lumineuse et inspirante continue de toucher les coeurs de nombreux contemporains en quête d’idéal. Elle reste pour nous tous le symbole ultime de la lutte pour la justice et de la défense de ses croyances, même au prix de sa vie. Des films, des pièces de théâtre, des livres, des BD, des documentaires ou encore des docu-fictions de qualité témoignent que la bergère de Domrémy, toute donnée à la mission que Dieu lui a confiée pour sauver la foi en France, nous parle encore.
Le rachat de l’anneau de Jeanne à l’Angleterre par le parc du Puy du Fou en 2016 a suscité, à juste titre, une incroyable ferveur populaire, tout comme les fêtes johanniques d’Orléans, les plus anciennes de France, qui rassemblent chaque année 100 000 visiteurs. Les professions de foi des adolescentes jouant le rôle de la sainte sont éloquentes : « Elle est un exemple par les vertus qu’elle incarne, sa piété, son courage, sa persévérance et sa charité… Je la prie beaucoup », confie l’une d’elles, âgée de 16 ans. Ce sont ces vertus que l’historien Franck Ferrand a voulu mettre à l’honneur dans son conte politique l’Année de Jeanne (2020). Même procédé dans la comédie musicale Jehanne d’Arc, jouée en mars 2025 au théâtre Révélateur de Boulogne-Billancourt où une adolescente trouve en Jeanne un guide dans l’adversité. Pour Henri d’Anselme aussi, le héros pèlerin de l’attaque au couteau perpétrée à Annecy en juin 2023, la sainte lorraine figure en bonne place dans son panthéon aux côtés de saint Georges, Saint Louis et saint Michel. Même les jeunes des cités sont conquis, si l’on en croit une anecdote relatée dans l’ouvrage Oser la rencontre (2021) d’Isabelle Chazerans, bénévole de l’association Le Rocher : un périple avec eux à Rouen, et les voilà séduits par cette modeste paysanne devenue chef de guerre.
Oui, aujourd’hui encore, par sa piété, sa vaillance, son amour de la terre de France et du Roi du Ciel, Jeanne nous enseigne. N’oublions pas de l’en remercier.
Raphaëlle Coquebert
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