À Boulaur, le bonheur est dans la prière... et dans le pré !
Les cisterciennes de l’abbaye de Boulaur (Gers) ont beaucoup fait parler d’elles en 2020 avec une vidéo de promotion du projet écologique Grange 21. Quatre ans plus tard, le dynamisme de la communauté brille toujours et les projets fleurissent.
C’est un petit coin de paradis en Gascogne, loin du tumulte de la ville. Perchée sur sa colline, à une soixantaine de kilomètres de Toulouse, l’abbaye Sainte-Marie de Boulaur rayonne aux quatre coins de l’Hexagone. Dans ce monastère restauré en 1949, les moniales cisterciennes vivent d’une exploitation agricole qui ne cesse de prendre de l’ampleur. À la sortie du confinement, les soeurs ont fait le buzz grâce à une vidéo dévoilant leur projet de nouvelle ferme monastique, Grange 21, « avec une démarche écologique ». Ce fut alors l’occasion de découvrir en image une communauté dynamique avec de jeunes soeurs s’activant sur des tracteurs ou dans leur potager ! Elles ont pu récolter un million et demi d’euros pour financer l’agrandissement de leur ferme, en vue d’une véritable exploitation agricole bio, avec pour objectif de permettre à la communauté de vivre de son travail agricole. Vue plus de 60 000 fois, la vidéo suscita l’enthousiasme au point d’attirer l’attention des médias comme France 3, TF1, BFM TV, CNews ou encore Brut, un site d’information en ligne populaire chez les 20-35 ans. « C’est un projet audacieux d’entreprenariat féminin [...], une start up du XIIe siècle, mais au XXIe siècle », expliquait fièrement l’une des soeurs aux journalistes qui l’interrogeaient. Aujourd’hui, elles continuent à rechercher des financements pour le parking qui doit pouvoir accueillir les nombreux visiteurs.
UN MODE DE VIE QUI ATTIRE
Les soeurs en habit vivent du travail de leurs mains, produisant leurs fromages, leurs pâtés de cochons, de volailles et de veaux, ou encore des confitures provenant de leurs vergers. C’est même leur gagne-pain, puisqu’elles vendent tous ces produits dans leur boutique et sur divinebox.fr notamment. Plus récemment encore, elles ont lancé leur propre marque de bière, en partenariat avec une brasserie locale. « Nous proposons cinq bières, dont une sans gluten, indique mère Emmanuelle, l’abbesse de Boulaur. Ce sont nos céréales et notre recette ! Pour les pâtes, nous travaillons aussi avec un artisan local qui nous permet de valoriser notre production. » L’abbaye dispose d’environ 90 hectares de surface agricole, de quoi produire en quantité des farines de petit épeautre, de sarrasin et même de blé ancien, en lien avec l’Institut national de la recherche agronomique et de céréales anciennes.
Si les religieuses intriguent, en respectant la règle de saint Benoît, leur mode de vie séduit. L’endroit est notamment très prisé pour les retraites et les jeunes sont nombreux à venir y séjourner, pour un temps de service bénévole auprès de la communauté ou de révision avant les examens. Âgée de 16 ans, Faustine a traversé la France pour rejoindre ce lieu totalement hors du temps, afin de réviser pendant une semaine à l’approche des épreuves du bac de français. Loin de toute distraction possible, elle trouve ici un cadre propice pour le travail. « L’endroit est magnifique, les soeurs sont hyper accueillantes et attentionnées avec nous », souligne cette lycéenne originaire de Lille. « Je participe aussi à des offices et je rends divers services lors de mes pauses dans mes révisions. » Et de citer pêle-mêle le jardinage, la cuisine, les activités à la ferme ou au magasin. « C’est l’occasion de s’aérer l’esprit ! », s’écrie-t-elle. C’est déjà la troisième fois que Faustine se rend à Boulaur. Les deux premières, c’était pour effectuer un stage agricole.
CRISE DES VOCATIONS… QUELLE CRISE ?
Les 25 soeurs de Boulaur, dont la moyenne d’âge est de 45 ans, ne connaissent pas la crise des vocations. Rien qu’en 2020, elles ont accueilli sept nouvelles postulantes, « une année exceptionnelle », confie mère Emmanuelle. Et cette énergie débordante ne passe pas inaperçue, y compris au sein de l’Église catholique. En décembre 2022, huit religieuses ont ainsi quitté la florissante abbaye de Boulaur pour reprendre le monastère de Notre-Dame-des-Neiges, ce lieu célèbre, fondé en 1850, où vécut Charles de Foucauld.
La gestion y était devenue trop lourde pour la petite communauté de moines trappistes. « L’idée est de créer une seconde communauté monastique qui rayonne sur un territoire », explique la supérieure de la communauté, mère Anne, qui a quitté le Gers pour rejoindre ce grand monastère comprenant 20 000 m2 de bâtiments, sur un domaine de 500 hectares, au coeur de la montagne ardéchoise. Les liens entre les deux communautés sont naturellement très étroits. Fidèle à ce souci de préserver la planète, l’abbaye de Notre-Dame-des-Neiges a annoncé il y a quelques semaines le lancement d’une nouvelle gamme de droguerie monastique, baptisée « Air des Neiges ». « Les détergents sont l’une des premières causes de pollution des nappes phréatiques, alors que les plantes nettoient très bien et apportent d’autres vertus, souligne mère Anne. C’est la raison pour laquelle les produits d’entretien fabriqués par les soeurs à l’abbaye de façon artisanale sont composés à 99,9 % de plantes issues de l’agriculture biologique. Nos produits sont autant un parfum pour la maison qu’un produit nettoyant efficace et font du bien à la planète comme à notre santé quand nous les respirons. » La jeune communauté de moniales cisterciennes originaires de Boulaur continue à bien s’enraciner : les huit soeurs arrivées au départ ont déjà vu se joindre à elles quatre nouvelles recrues.
Avec Notre-Dame-des-Neiges, l’idée n’était pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul et, dans le couvent gersois, les chantiers continuent de s’enchaîner les uns après les autres. Pour les besoins de l’abbaye, de nouveaux bâtiments sont sortis de terre, un écotone (NDLR : zone de transition écologique entre deux écosystèmes) a été inauguré en décembre dernier, et un espace d’accueil a vu le jour avec un point de vente de produits monastiques ou locaux. Un préau où pique-niquer en famille avant de démarrer les visites du site, une grande halle où organiser des rencontres et des événements culturels animent le lieu. Et, à l’exemple de la plupart des abbayes bénédictines, Boulaur dispose d’une hôtellerie qui accueille un grand nombre de jeunes, comme Faustine. Le couvent accueille aussi le parcours « Sentinelles de l’Invisible » en lien avec la pastorale étudiante de Toulouse et destiné aux jeunes femmes de 18 à 35 ans. Rappelons enfin que, si la vie des religieuses est tournée vers le travail de la terre, les soeurs de Boulaur n’en oublient pas moins la prière : sept fois par jour, elles se retrouvent à la chapelle pour rendre grâce à Dieu. À Boulaur, le bonheur est dans le pré… mais aussi dans la prière !
BOULAUR ET CLAIRE DE CASTELBAJAC
Depuis 2004, le corps de Claire de Castelbajac repose à l’abbaye de Boulaur. Les visiteurs peuvent ainsi se recueillir auprès de son tombeau placé au fond de l’église abbatiale. « Un nouvel espace dédié à Claire de Castelbajac, avec des objets lui appartenant, tels ses affaires d’étudiante ou des jeux d’enfant, a été créé et peut se visiter tous les jours », indique mère Emmanuelle, l’abbesse de l’abbaye de Boulaur.
Car l’histoire de Boulaur est intimement liée à celle de Claire de Castelbajac, décédée en 1975 à l’âge de 21 ans. En 1979, la communauté de l’abbaye Sainte-Marie de Boulaur, située à environ 25 kilomètres de la maison de Claire à Lauret, souffre d’un grave manque de vocation depuis sa fondation trente ans auparavant. « La communauté n’est constituée que de cinq soeurs et la situation, très critique, fait entrevoir une fermeture prochaine de l’abbaye », raconte mère Emmanuelle. Le père abbé général de l’ordre cistercien vient d’ailleurs faire une visite qui doit aborder l’avenir de la communauté : à son arrivée, il se voit proposer par la mère supérieure la lecture du livre sur la vie de Claire écrit par la mère de Claire et paru l’année précédente. Le soir, il se plonge dans le livre et tombe sous le charme de l’héroïne. « Son enthousiasme, sa joie, sa foi, tout son témoignage le touchent profondément, relate mère Emmanuelle. Le lendemain matin, il vient trouver la supérieure pour lui dire qu’il est persuadé que Claire est sainte, qu’elle est canonisable. Plus tard, il lui dit qu’il faut lui demander un signe pour pouvoir ouvrir un procès en vue de sa béatification : ce signe, ce sera cinq vocations dans l’année ! Les soeurs, qui n’y croient pas tellement, obéissent pourtant… et les cinq vocations demandées arrivent. »
Si vous souhaitez confier une intention de prière à Claire, si vous pensez avoir bénéficié de grâces par son intercession, ou si vous vous demandez si une grâce obtenue pourrait être reconnue comme un miracle, n’hésitez pas à le faire savoir à l’abbaye de Boulaur, en envoyant un courriel à cdc@boulaur.org.
Hugues-Olivier Dumez
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