Sainte Marie-Léonie Paradis, à la suite du Christ

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Alodie Virginie Paradis naît le 12 mai 1840 dans le village de L’Acadie, au sud de Montréal. Elle entre à 14 ans chez les sœurs marianites de Sainte-Croix, dont le charisme est l’enseignement et le service des prêtres. Envoyée par la suite en mission aux États-Unis et au Nouveau-Brunswick, elle fonde les petites soeurs de la Sainte-Famille. Mgr LaRocque (1846-1926) les invite à Sherbrooke, ville moyenne située à 150 kilomètres à l’est de Montréal. Approuvée par Rome, la communauté se développe surtout grâce à la sainteté de sa fondatrice. Marie-Léonie Paradis accomplit plusieurs miracles de son vivant, dont des guérisons inexpliquées. Elle s’éteint paisiblement le 3 mai 1912, dans sa communauté à Sherbrooke, quelques jours avant ses 72 ans, laissant 600 religieuses en deuil. Elle a marqué ses contemporains par sa bonté, son humilité et sa prière. L’Institut qu’elle a fondé se répand non seulement au Canada, mais aussi au Honduras et aux États-Unis.

L’HUMBLE PARMI LES HUMBLES

Mère Marie-Léonie est d’abord une femme de foi et de prière, qui a montré le visage miséricordieux d’un Dieu d’amour à une époque où celui-ci est plus craint qu’aimé. Cette femme de coeur s’est totalement identifiée à Jésus doux et humble. Elle est, comme lui, solidaire des plus petits et généreuse de son temps. Femme audacieuse, accessible, débrouillarde, déterminée, son humilité rime avec simplicité et liberté. Femme de confiance et de compassion, elle est une source d’espérance pour les personnes qui la rencontrent. Femme fidèle et engagée, elle remet les gens debout en les accueillant tels qu’ils sont. Aujourd’hui, elle intercède pour les personnes qui l’invoquent en toute confiance. Son témoignage de vie est criant de vérité.

Marie-Léonie Paradis a été béatifiée à Montréal, le 11 septembre 1984, par Jean-Paul II. Au cours de son homélie, le Pape l’a appelée « humble parmi les humbles ». Cette attitude d’humilité a été le socle sur lequel s’est érigé tout son édifice spirituel. Elle disait souvent aux soeurs de sa communauté : « Ayez l’esprit de simplicité et d’humilité. Travaillez sérieusement tous les jours à devenir de plus en plus humbles. Soyez humbles, sans aucune prétention, aimant à vous oublier et à faire plaisir aux autres, et vous serez toujours heureuses. Une religieuse humble est assurée du bonheur. »

UNE FEMME SACERDOTALE

La vie de mère Marie-Léonie stimule notre foi en Dieu, car elle lui parlait comme à un ami. Elle vivait de la présence de Dieu partout, surtout au coeur des épreuves et des pauvres qui la recentraient sur sa mission profonde. Elle écrit à l’une de ses filles spirituelles : « Ma foi venait de la présence de Dieu que je sentais en moi. Il a toujours eu la première place dans ma vie. J’étais convaincue que l’âme qui ne perdait pas la présence de Dieu en elle avait trouvé un trésor que personne ne pouvait lui ravir. »

Son regard de foi l’a guidée sur des chemins qui la délestaient du superficiel pour la conduire à l’essentiel du don d’elle-même. Elle désirait plus que tout « se consumer dans l’amour de Dieu et faire toutes choses pour son amour ». C’était sa manière de vivre son sacerdoce baptismal, aussi appelé « sacerdoce commun des fidèles », que le concile Vatican II mettra en lumière cinquante ans après sa mort. Nous oublions trop souvent que nous formons un peuple de prêtres, de prophètes et de rois par notre baptême : « Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle, pour devenir le sacerdoce saint et présenter des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus-Christ » (1 P 2,5).

« Piété et dévouement », telle est la devise de sa communauté. Ce programme résume toute sa vie et sa spiritualité. Marie-Léonie vivait l’amour au quotidien sans dissocier la prière et le service. Prier pour les prêtres, contempler Jésus-Eucharistie, se former une âme sacerdotale en se laissant configurer au Christ serviteur, vivre le mystère de la Sainte Famille dans l’humble service de Nazareth, voilà ce que la fondatrice voulait pour sa famille religieuse. C’était son charisme, sa mission. Elle s’est reconnue dans la vocation d’écoute de la Vierge Marie et dans celle de service des femmes disciples qui suivaient Jésus. Elle s’est associée aux prêtres, dans les paroisses, diocèses, sanctuaires, séminaires, permettant à des femmes de s’épanouir dans ce service d’amour et à des prêtres de se donner entièrement à leur ministère.

Sainte Marie-Léonie a perçu la grandeur du prêtre au-delà même des hommes faibles qui étaient ordonnés, car elle voyait le Christ en eux, le Christ parmi nous. Cette vision de foi peut réconforter le prêtre d’aujourd’hui dans sa mission d’annoncer la Parole de Dieu avec ardeur, de rassembler le peuple pour une nouvelle évangélisation, de célébrer les sacrements du salut dans un esprit de prière et de service.

UNE FEMME DE SERVICE

La conscience sociale de celle qu’on surnommait la « mère de toutes nécessités » peut nous amener à nous interroger aujourd’hui, à une époque où nous nous indignons de plus en plus des écarts entre les riches et les pauvres. Mère Marie-Léonie économisait pour mieux aider les démunis, ne gaspillait pas mais recyclait, ne laissait personne dans le besoin lorsqu’on frappait à sa porte. Elle voyait en l’autre le Christ lui-même, parce qu’elle contemplait Dieu dans son coeur comme si elle voyait l’invisible.

Jésus demeure le grand modèle de cet engagement envers les plus faibles. S’il y a une page d’Évangile qui caractérise bien la vie de mère Marie-Léonie et de ses petites soeurs, c’est bien la scène du lavement des pieds. Jésus montre ainsi que l’Église n’est pas un pouvoir, mais un service.

La sainteté de Marie-Léonie peut être vécue par tout le monde, puisqu’il n’y a rien d’extraordinaire ni de décourageant dans sa vie, à l’exemple de la vie toute simple de Nazareth. C’est la petite voie de confiance de Thérèse de Lisieux. Marie-Léonie chante les mêmes notes que celles de la carmélite qui prend l’ascenseur de l’amour que sont les bras de Jésus. Quelle belle mélodie ! Se laisser porter par Dieu pour mieux lire sa portée dans notre vie. Une sainteté au quotidien, une sainteté des petits pas, une sainteté joyeuse, franche, humble, légère, libre : « Soyez heureuses en Dieu et pour Dieu, que toutes vos actions soient faites avec la plus grande pureté d’intention, disant souvent pendant la journée : "Tout pour vous, mon Dieu." »

UNE NOUVELLE SAINTE DANS L’ÉGLISE

En 1935, on procède à l’exhumation de ce qui reste du corps de Marie-Léonie, en présence de quatre prêtres, de deux médecins et de plusieurs Petites Soeurs de la Sainte-Famille. On découvre son squelette complet, conservé intact, vingt-trois ans après sa mort. On trouve aussi son coeur, qui avait tant aimé Dieu et le monde. Il est là, presque sans corruption, comme l’indiquera le certificat officiel de l’exhumation.

Depuis 2017, les restes mortels de la bienheureuse se trouvent dans une châsse située sous l’autel du transept sud de la basilique-cathédrale Saint-Michel de Sherbrooke. Il est possible de venir la prier et de visiter le musée, aménagé dans quatre alcôves, qui fait mémoire de son histoire et de l’Institut qu’elle a fondé. Plusieurs personnes témoignent des faveurs obtenues par son intercession.

Le 24 janvier 2024, le pape François autorise la promulgation du décret d’un miracle survenu par l’intercession de mère Marie-Léonie. L’Église catholique reconnaît ainsi la « guérison miraculeuse d’un nouveau-né de sexe féminin à la suite d’une asphyxie périnatale prolongée avec défaillance de plusieurs organes et encéphalopathie à Saint-Jean-sur-Richelieu, au Québec, en 1986 », peut-on lire sur le site de Vatican News. Ce miracle fut celui demandé pour sa canonisation, le 20 octobre dernier, soit quarante ans après sa béatification.

L’Église nous propose cette prière d’ouverture pour sa fête liturgique célébrée le 4 mai : « Dieu, qui as fait de la bienheureuse Marie-Léonie un modèle admirable d’humilité, de charité et de dévouement au service des ministres de ton Église, accorde-nous d’imiter ses vertus en puisant comme elle en Jésus, Prêtre éternel et Pain de vie, la force de suivre le chemin de l’Évangile. Par Jésus-Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu, qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen. »

POUR ALLER PLUS LOIN :

• Sainte Marie-Léonie Paradis, Jacques Gauthier, nouvelle édition revue et corrigée, Montréal, Novalis, 184 p., 2024.
• Les saints, ces fous admirables, Jacques Gauthier, Béatitudes / Novalis, 2018, p. 130-133.
• Voir aussi la vidéo de Jacques Gauthier sur la vie et la mission de mère Marie-Léonie, publiée le 15 avril 2021.