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Saint-Patrick, joyau de l'Église d'Irlande

À Dublin, la cathédrale Saint-Patrick, construite au XIIe siècle sur un ancien lieu de culte datant du Ve siècle, est l’un des édifices religieux les plus remarquables d’Irlande.

© Shutterstock

Située à l’angle de Patrick Street et d’Upper Kevin Street, dans les quartiers sud de la vieille ville de Dublin, la cathédrale Saint-Patrick est le siège du culte anglican de l’Église d’Irlande. Avec la cathé-drale Christ Church à moins de 600 mètres de là, ce monument religieux de style gothique emblématique de la capitale irlandaise compte parmi les rares édifices de l’époque médiévale visibles à Dublin. Selon la légende, c’est à côté d’une source, utilisée par saint Patrick pour baptiser de nombreux chrétiens au début de l’évangélisation du pays, qu’aurait été construite au Ve siècle une première petite église en bois. Saint Patrick (né vers 385 et mort en 461) est considéré comme l’évangélisateur de l’île et le fondateur du christianisme irlandais. Fêté chaque 17 mars bien au-delà des frontières de l’Irlande, il est le saint patron du pays, des ingénieurs et, plus étonnant, des dresseurs de serpents ! Géraldine, catholique d’une cinquantaine d’années, travaille en tant que bénévole dans la cathédrale depuis plus de douze ans. Avec un large sourire, elle offre des audioguides à tous les touristes de diverses nationalités qui se présentent à son comptoir. « C’est drôle, les gens nous demandent toujours si saint Patrick était catholique ou protestant. Ils ne peuvent pas croire, quand ils viennent en Irlande, que la cathédrale n’est pas catholique alors que lui l’était. En réalité, l’église était bien catholique à l’origine, mais elle est devenue protestante. » C’est en effet autour de 1537, suite à la Réforme anglaise, que Saint-Patrick est devenue une église anglicane.

 

UNE LONGUE HISTOIRE MOUVEMENTÉE

L’histoire du lieu est passionnante. En 1190-1191, John Comyn, archevêque de Dublin de 1180 à sa mort en 1212, fit détruire la petite église d’origine pour faire bâtir par les Normands une construction en pierre beaucoup plus importante. Il ne reste donc rien des bâtiments d’origine. Par la suite, la cathédrale fait l’objet de plusieurs modifications aux XIIIe et XVIIe siècles. En 1310, l’évêque de Kildare supervise le procès des membres de l’ordre des Templiers1 arrêtés en Irlande. Le plus célèbre des doyens de la cathédrale (qui l’a administrée de 1713 à 1745) est Jonathan Swift, l’auteur des Voyages de Gulliver, aujourd’hui enterré dans le bâtiment avec plus de 500 autres personnalités. Dans le transept nord de l’édifice se trouve même le Swift’s Corner qui abrite la bibliothèque de l’écrivain. L’architecture extérieure et les ornements intérieurs du lieu reflètent bien sa longue histoire, comme l’a remarqué Mindy, une jeune protestante venue de l’État du Wisconsin, dans le nord des États-Unis : « Je pense que venir dans cette cathédrale, c’est comme un retour en arrière dans l’histoire, un voyage au coeur des croyances de ceux qui nous ont précédés. C’est la première cathédrale de cette envergure que je visite, donc c’est particulier. Je remarque tous les détails, les signes du temps et les efforts qui ont été consacrés à la construction et à la préservation du bâtiment. Je suis particulièrement touchée par son ancienneté, car nous n’avons pas cela aux États-Unis. »

À l’intérieur de la plus grande église d’Irlande se trouve notamment la chapelle de la Vierge, construite en 1270 et restaurée au XIXe siècle, connue sous le nom de « chapelle française ». C’est ici que les huguenots – les protestants français réfugiés en Irlande – se réunissaient à partir de 1666. Jusqu’en 1816, un culte était célébré chaque dimanche en français par un pasteur huguenot. Autres curiosités admirables : les vitraux, vieux de plus de 200 ans, qui retracent des récits bibliques à une époque où nombre de chrétiens étaient analphabètes. On peut notamment admirer la vie de saint Patrick racontée en 39 épisodes. La porte de la Réconciliation ou encore les fonts baptismaux, créés au Moyen Âge, revêtent également un grand intérêt, tout comme la tour qui domine l’aile gauche de la cathédrale avec ses cloches suspendues offertes par Edward Cecil Guinness en 1897. Au total, la cathédrale compte plus de 200 éléments variés : stèles, bustes de marbre, sépultures, retables et autres sculptures qui commémorent certaines personnalités du Moyen Âge. Géraldine est passionnée par l’histoire du lieu et les vies passées qui la composent : « Nous pensons tout savoir, nous sommes fiers de marcher sur la Lune. Mais tous ces gens que nous pouvons voir dans cette cathédrale ont eu des vies fantastiques, bien qu’ils n’aient probablement jamais quitté l’Irlande. Prenez cette dame, Mary St. Ledger, dont la tombe se trouve dans le coin, là-bas. Elle a eu quatre maris en 20 ans ! Ses maris n’arrêtaient pas de mourir et, à l’époque, une femme devait avoir un homme pour survivre. Donc, dès que son mari mourrait, elle en trouvait un autre. Quel destin ! »

Andrew Stokes, un catholique d’une trentaine d’années, travaille à la cathédrale Saint-Patrick depuis douze ans. Il est notamment chargé d’organiser des visites guidées dans ce lieu qu’il connaît aujourd’hui parfaitement. « Il y a beaucoup à dire sur un bâtiment vieux de plus de 800 ans, mais ce que je préfère, c’est la zone du choeur qui se trouve juste derrière nous. » Le choeur de la cathédrale est en effet remarquable avec son sol aux figures symétriques et sa luminosité atypique. Il est composé de stalles, ces rangées de sièges solidaires les uns des autres, surmontées d’étendards et de représentations d’armoiries. C’est en effet dans ces stalles que les chevaliers de l’ordre de Saint-Patrick2, fondé par le roi George III en 1783, s’installaient lors des cérémonies. « J’adore parler du choeur, parce qu’on parle alors de la tradition, de la musique et du chant qui sont associés à ce bâtiment depuis des centaines d’années. Nous avons une école de chant juste de l’autre côté de la rue, qui est la plus ancienne du pays et, chaque semaine, ses membres se produisent ici. » Dans la cathédrale, qui renferme le plus grand orgue de l’île, deux offices chantés ont lieu chaque jour. En 1742, les choeurs de la cathédrale Saint-Patrick et de la Christ Church se sont même rassemblés afin d'interpréter pour la première fois le Messie de Haendel.

 

600 000 VISITEURS EN 2024

Les visiteurs sont chaque année toujours plus nombreux à fouler le sol du bâtiment géré par 70 à 80 personnes selon les périodes. 2023 a même été l’année la plus chargée jamais enregistrée avec plus de 576 000 visiteurs, contre 520 000 en 2022. « Il semble que, cette année, nous dépasserons les 600 000 visiteurs », nous confie Andrew Stokes qui reconnaît volontiers que la majorité des pèlerins sont des touristes, même si « nombre de visiteurs sont aussi des pèlerins très intéressés par la façon dont la cathédrale fonctionne en tant que lieu de culte ». Scott, originaire de Seattle aux États- Unis, visite l’Irlande pour la seconde fois, à la découverte de ses racines celtes. « Je m’identifie comme chrétien. Cependant, je trouve que le christianisme, surtout aujourd’hui et aux États-Unis, offre une compréhension étroite de la spiritualité. J’ai appris à connaître la spiritualité celtique, qui est plus holistique et connectée à la terre et à la nature. C’est une sorte de spiritualité plus douce, c’est vraiment passionnant. » Pour autant, la cathédrale se situe loin derrière le sanctuaire marial de Knock en termes de fréquentation, puisque ce dernier a comptabilisé plus d’un million de visiteurs en 2023. « Il y a tellement d’autres attractions ici, à Dublin », analyse Andrew. En effet, non loin de la cathédrale se trouve le Guinness Storehouse consacré à la bière brune. En 2023, le célèbre musée – récompensé par le titre de « Meilleure Attraction Touristique Mondiale » – a accueilli plus d’1,5 million de visiteurs venant de 165 pays (soit un tiers de plus par rapport à 2022). Difficile de faire le poids, d’autant que des campagnes de publicité sont présentes dans toute la ville.

Mais n’oublions pas que la cathédrale Saint-Patrick – qui attire pour son histoire et sa beauté – n’est pas une attraction comme les autres : elle reste avant tout un lieu de culte où Dieu se fait proche de tous ceux qui le désirent… Et rien n’est plus précieux !

 

1. L’ordre des Templiers a été dissous par le pape français Clément V le 22 mars 1312, à la suite d’un procès en hérésie.

2. Cet ordre de chevalerie britannique n’est plus conféré depuis 1922 et l’indépendance de la République d’Irlande. Depuis lors, seulement trois personnes, membres de la famille royale britannique, sont devenues chevaliers de l’ordre.

Marie-Ève Bourgois

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