La morale catholique : un rempart contre la violence sexuelle, pas son oubli
L’interview de Matthieu Poupart dans La Croix, ainsi que son ouvrage Le Silence de l’agneau (Seuil, 2024), prétendent que la morale catholique aurait contribué à l’inaction de l’Église face aux violences sexuelles, en occultant cette question au sein de son enseignement. Une nouvelle fois c’est un témoignage à charge contre l’Église et sa doctrine que nous propose La Croix.
Ces affirmations sont non seulement réductrices, mais ignorent les bases de la doctrine chrétienne et la longue tradition de l’Église qui a toujours condamné la violence sexuelle, bien avant que les sociétés modernes n’en prennent conscience.
Matthieu Poupart reproche à l’Église d’avoir « oublié » les violences sexuelles, arguant qu’il n’y a pas eu de prise en charge des victimes et que les agresseurs ont été protégés. Or, cette vision fait abstraction de l’énorme travail théologique accompli tout au long de l’histoire de l’Église pour mettre en lumière les dérives sexuelles.
Saint Augustin, l’un des Pères de l’Église les plus influents, a consacré plusieurs chapitres de La Cité de Dieu à la consolation des victimes de viol, montrant une prise de conscience chrétienne de la gravité de la violence sexuelle dès le IVe siècle. Voici deux passages de son œuvre qui illustrent son enseignement :
« Le viol est un mal si abominable qu’il ne peut être guéri que par la consolation de Dieu. » (Livre 1, Chapitre 19) Saint Augustin reconnaît ici l’atrocité du viol, soulignant que seule la miséricorde divine peut apporter une véritable guérison aux victimes de cette violence.
« Il n’y a pas de péché plus grand que d’offenser la volonté de Dieu en violent le corps d’un autre. » (Livre 14, Chapitre 16) Dans cet extrait, il exprime la gravité du viol, le plaçant parmi les offenses les plus graves, et indique que cette action constitue une transgression non seulement contre la personne humaine, mais aussi contre la loi divine.
Ces citations montrent que l’enseignement de Église a toujours traité la question du viol avec une grande gravité, bien avant que le phénomène ne soit discuté dans la société moderne.
Le Christ et l’exemple de la miséricorde
Matthieu Poupart évoque la question du consentement et de la violence, et critique l’absence de cette notion dans certains enseignements contemporains de l’Église. Toutefois, une lecture fidèle de l’Évangile nous montre que Jésus-Christ a constamment défendu la dignité des plus vulnérables et a dénoncé les abus de pouvoir, qu’ils soient d’ordre sexuel ou non.
L’épisode de la femme adultère (Jean 8, 1-11) en est un exemple parfait : Jésus, loin de minimiser la gravité de l’acte, défend la pécheresse contre la violence de ses accusateurs tout en appelant à la conversion.
Le Christ a pris soin de ceux que la société rejetait, montrant par là que la dignité humaine est au cœur de son message. Cette attitude s’inscrit parfaitement dans la vision chrétienne d’un combat constant contre toute forme de violence, y compris sexuelle.
La critique de Matthieu Poupart selon laquelle la morale catholique serait aveugle à la question du consentement passe sous silence l’importance de la doctrine chrétienne sur le respect du corps humain, qui est un temple du Saint-Esprit (1 Corinthiens 6, 19). Le respect du consentement, loin d’être une innovation moderne, est un principe fondamental du christianisme. L’Église a toujours enseigné que le viol, le viol des consciences et des corps, est un péché grave, une violation du respect dû à autrui et une offense à Dieu.
Une hiérarchisation des péchés qui ne minore pas la gravité du viol
Poupart critique également la hiérarchisation des péchés dans le Catéchisme de l’Église catholique, et notamment la distinction entre l’homosexualité et le viol. Cette critique est fondée sur une interprétation erronée de la doctrine catholique.
Le Catéchisme distingue effectivement les péchés selon leur nature, mais cela ne doit pas être vu comme une hiérarchisation de leur gravité. L’Église enseigne que le viol est un péché mortel, un péché contre la dignité humaine et contre l’intégrité du corps, ce qui en fait une offense très grave.
Comme l’indique le Catéchisme de l’Église catholique, « le viol, comme l’indiquent les Écritures, est un péché grave, une offense contre la dignité de la personne, et il est à condamner en raison de sa violence et de son injustice. Il ne faut jamais confondre la gravité de ce péché avec d’autres péchés, aussi graves soient-ils, car le viol est une atteinte directe à l’intégrité physique et morale d’une personne. » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 2356).
Ce passage montre clairement que, même en présence d’une hiérarchisation des péchés, la gravité du viol est toujours soulignée dans la doctrine catholique, et il n’est en aucun cas minimisé ou relativisé par rapport à d’autres offenses. La moralité catholique, fondée sur la loi naturelle et la révélation divine, place la violation de l’intégrité physique et morale d’un être humain au sommet des offenses.
La Théologie du Corps : un enseignement complet sur la sexualité humaine
La critique de Poupart à l’égard de la Théologie du corps de Jean-Paul II, qu’il juge incomplète en raison de son absence de mention des violences sexuelles, est également infondée. La Théologie du corps met l’accent sur la dignité du corps humain, le respect mutuel dans l’amour conjugal, et la vocation de l’homme et de la femme à se donner pleinement l’un à l’autre.
Jean-Paul II affirme que « le corps humain, créé selon l’image de Dieu, est l’instrument de la vocation à l’amour. Le corps révèle la personne et rend visible l’amour qui unit les époux, c’est-à-dire la totalité de l’être humain dans sa dimension charnelle et spirituelle. » (Théologie du corps, audiences du 5 septembre 1979).
Il est essentiel de comprendre que ce travail doctrinal, loin d’ignorer la question de la violence, se base sur l’idée que l’amour véritable, fondé sur le respect mutuel et l’engagement, est incompatible avec toute forme de coercition ou d’abus. L’enseignement de Jean-Paul II, loin d’encourager une quelconque forme d’agression, condamne clairement toute atteinte à la dignité humaine, notamment à travers la notion du don total de soi.
Jean-Paul II, en intégrant la théologie chrétienne avec les réalités humaines contemporaines, met en lumière l’incompatibilité absolue entre l’amour authentique et toute forme de violence. Au contraire de ce que suggère Matthieu Poupart, Jean-Paul II a jeté les bases d’une compréhension plus profonde de la sexualité, qui inclut la protection des personnes contre la violence, en particulier la violence sexuelle.
Le rôle fondamental de l’Église dans la protection des victimes
Il est important de rappeler le rôle fondamental de l’Église dans la protection des victimes de violences sexuelles. L’Église, depuis ses origines, a toujours été un sanctuaire de miséricorde et de justice. Cependant, la quête de vérité doit être guidée par la sagesse et non par une recherche absolue de l’exposition des faiblesses humaines, car une telle démarche peut parfois davantage nuire à la vérité elle-même. Le Pape Benoît XVI, dans son encyclique Spe Salvi, rappelle : « La vérité, une fois révélée, ne peut être manipulée à notre gré pour servir des objectifs idéologiques. Elle se manifeste d’abord dans la charité et dans l’humilité, et c’est par l’aide de Dieu, et non par notre seule volonté, que nous pouvons nous en libérer. » (Spe Salvi, n° 34).
Les faiblesses et les crimes des hommes, même dénoncés, ne constituent qu’une partie de la misère humaine. L’homme, par ses propres moyens, ne peut se libérer de cette misère sans l’aide divine. Parfois, la recherche absolue de la vérité et certaines dénonciations en cascade ont en arrière-pensée un objectif idéologique qui a pour seul but de détruire l’Église. La révélation de certaines vérités, loin de guérir les blessures, peut en fait creuser des fossés et fragiliser l’institution, dont la mission reste la rédemption et la guérison, dans la lumière de l’Évangile.
L’Église, comme le Christ, invite à une approche miséricordieuse qui cherche à guérir les blessures, à protéger les innocents et à réconcilier les pécheurs, non pas dans le but de condamner, mais de sauver.
La critique de Matthieu Poupart de la morale catholique est fondée sur une mauvaise compréhension de l’histoire de l’Église et de sa doctrine. L’Église catholique, loin de fermer les yeux sur les violences sexuelles, a toujours enseigné la dignité humaine, le respect du corps et l’importance de la justice.
Si des erreurs ont été commises dans la gestion des scandales, elles ne doivent pas être attribuées à la morale chrétienne elle-même, mais à des manquements dans l’application de cette morale. L’Église a toujours été, et reste, un lieu de refuge pour les victimes et de réconciliation pour ceux qui cherchent la vérité et la justice.
En partenariat avec Tribune Chrétienne
Philippe Marie
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