Le prêtre qui découvrit les Khmers rouges

« Phnom Penh libéré », titrait Le Monde le 17 avril 1975, alors que les Khmers rouges défilaient dans la capitale cambodgienne après une longue et terrible guerre civile. Parmi ceux qui voyaient défiler les nouveaux maîtres, soldats émaciés aux uniformes de fortune, se trouvait le missionnaire français François Ponchaud. Devant ces soldats qui entraient silencieusement et qui fusillaient du regard les étrangers, le prêtre déclara d’emblée à un ami : « Avec ceux-là, on ne va pas rigoler. »
Lui-même n’avait pourtant pas d’a priori excessivement négatif à l’égard de ces nouveaux conquérants. Il était dégoûté par la corruption du régime précédent et par la brutalité des interventions américaines qui lâchaient des tapis de bombes, au mépris des vies civiles. Mais, grâce à sa connaissance du Khmer, il découvrit rapidement l’ampleur de la folie des nouveaux maîtres. Etant parmi les derniers étrangers à être expulsés, il ne perdit pas tout contact avec le peuple cambodgien grâce aux réfugiés et à la radio khmère.
Le régime mis en place par Pol Pot ne cachait pas ses intentions. Les Khmers rouges vidèrent les villes et imposèrent des travaux forcés à une population qu’ils entendaient « purifier ». Ce programme délirant provoqua la mort de près de deux millions de personnes. Depuis l’étranger, le père Ponchaud tentait d’alerter la communauté internationale sur ce qui se passait, mais il rencontrait l’incrédulité d’une grande partie du monde médiatique français.
Soupçonné d’anticommunisme primaire, il récolta une vaste documentation pour appuyerses dire et écrivit « Cambodge, année zéro » (Julliard, 1977). En septembre 1978, il fut enfin auditionné par la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU à Genève, sans résultat tangible : « Je fis l’effet d’un OVNI qui parlait de choses irréelles. » Malgré l’avalanche de documents qui démontraient la nature criminelle de leur régime, les Khmers rouges siégèrent à l’ONU jusqu’en 1989.
Aussitôt qu’il a été possible pour des étrangers de revenir au Cambodge, le père Ponchaud a repris son travail d’évangélisation du pays. Très attaché au peuple auquel il avait dédié sa vie, il a tenté de comprendre sa culture si particulière. Inquiet de voir qu’il avait peu conscience de son histoire, il publia une Brève histoire du Cambodge. « Le livre, traduit en khmer, s’arrache chez les étudiants. Ils n’ont pas de conscience historique, et guère plus de connaissances de leur géographie », expliquait-il.
Il constatait que l’annonce de l’Évangile était rendue difficile par la culture particulière de ce pays, qui ignore la notion de personne : « Moi qui vous parle, je ne suis pas un sujet. On me donne un nom parce qu’il le faut bien, pour faciliter les relations. Chacun de nous n’est qu’un faisceau d’énergies, un être sans sujet. » C’est probablement ce qui explique que, bien que les premiers missionnaires aient débarqué au XVIe siècle, il ait fallu attendre 1950 pour qu’une première vocation sacerdotale locale advienne.
En 1975, l’Église locale comptait environ 100 000 âmes. Lorsque le pays se rouvrit, en 1991, il ne restait pas plus de 3000 catholiques. Aujourd’hui ils sont 25 000 catholiques. Le père Ponchaud, décédé le 17 janvier 2025, se réjouissait de voir l’émergence d’un clergé khmer à la fin de sa vie. Mais il s’inquiétait, en même temps, de la fragilité de cette Église et de la domination du matérialisme sur un peuple fragilisé par son expérience traumatisante.
(Sources : La règle du jeu 6/02/2010 et sources personnelles)
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