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« Dieu agît dans les cœurs et reste maître de l'Histoire »

Monseigneur Christian Lépine, archevêque de Montréal depuis mars 2012, nous explique pourquoi nous devons, malgré la sécularisation du monde francophone occidental, rester dans l’espérance pour plaire à Dieu.

Vue nocturne de la basilique Notre-Dame dans le Vieux-Montréal. / © Diego Delso, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons.

Monseigneur, nous venons de fêter le 400e anniversaire de la proclamation de saint Joseph patron du Canada. Quelle est sa place aujourd’hui dans votre pays ?

Mgr Ch. L. : Tout d’abord, je dirais que saint Joseph a toujours été lié à la dévotion à la Sainte Famille : quand on va à Joseph, on va à la Sainte Famille, et inversement. On ne peut pas évoquer Montréal sans parler de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal où règne une véritable piété à l’égard de saint Joseph et du frère André qui s’est occupé des malades. Pendant des décennies, il y a eu de nombreux pèlerinages à saint Joseph et au frère André, cela a marqué une époque. De nos jours, grâce à la pastorale des jeunes, je dirais qu’on aide les filles et les femmes à voir Marie comme un modèle, de même que nous présentons Joseph comme un modèle et une inspiration pour les garçons et les hommes.

Que représente saint Joseph pour vous personnellement ?

Le coeur de la foi, c’est le Christ, mais on ne peut pas y aller seul. Saint Joseph, avec la Vierge, est l’une des grandes figures pour aller à Jésus. Pour ma part, je le prie tous les jours, au moins depuis mon entrée au séminaire. Je le prie pour les autres et pour moi-même, car Joseph a des qualités extraordinaires : il est un homme fidèle, juste, mais pas seulement moralement, et droit. J’ajouterais qu’il est un modèle d’abandon à Dieu. Il s’est laissé conduire par Dieu, il a été docile à Dieu et, finalement, il s’est abandonné et a remis toute sa vie entre les mains de Dieu. Je prie donc saint Joseph tous les jours pour sa fidélité, pour sa justesse et pour son exemple d’abandon à Dieu.

Que pouvez-vous nous dire sur la foi au Canada et à Montréal ?

C’est la grande question. On le sait, la foi en Occident est marquée par ce que l’on appelle le sécularisme, mais on ne doit pas se laisser intimider par cela, parce que l’être humain ne change pas ! C’est toujours le même être humain qui a été fait à l’image de Dieu et pour Dieu. Et quand on s’adresse à l’homme d’aujourd’hui, on s’adresse à l’homme de toujours, et c’est à lui que nous devons parler, quelles que soient les difficultés que nous vivons actuellement. D’une façon assez mystérieuse, il y a des particularités dans le monde francophone occidental, que cela soit en France, en Suisse, en Belgique ou au Québec, où la foi rencontre plus de difficultés. Il faut être persévérant si l’on veut être missionnaire ; et j’aime me référer à Charles Péguy qui disait que la foi qui plaît le plus à Dieu, c’est l’espérance.

Justement, il y a des petites oasis d’espérance qui demeurent, comme la canonisation de Marie-Léonie Paradis le 20 octobre dernier…

Ce que je trouve beau, c’est que cette canonisation touche vraiment les gens d’aujourd’hui. On s’imagine toujours qu’on connaît le monde dans lequel on vit, mais je pense le contraire. Nos connaissances sont désormais basées sur ce que nous disent les médias, mais il y a beaucoup de bien qui se fait dont on ne parle jamais ! Le risque, c’est de finir dans une situation où l’on ne voit que les problèmes, le mal, les souffrances, l’absence de foi. Mais l’une des choses que j’ai apprises en paroisse, c’est que les belles familles existent, les gens qui vivent leur vie avec droiture et cherchent le bien existent. Je me rappelle un homme d’un certain âge qui était venu me voir un premier janvier et qui m’avait dit : « Bénissez-moi, mon père, pour que je sois un homme meilleur. » Cet homme avait tout compris ! C’est pour cela que nous sommes sur terre, pour apprendre à être meilleurs, mais ce type de comportement ne passe pas beaucoup dans les médias. Ceci dit, Dieu agit dans les coeurs et reste maître de l’Histoire.

Peut-on tous prendre part à la sainteté ?

Bien sûr ! La sainteté est un pur don de Dieu, elle ne sera jamais uniquement le seul fruit de nos efforts. Notre collaboration est essentielle, évidemment, mais même notre collaboration est un don de Dieu. Comme le disait Henri Caffarel, prêtre français, Dieu seul conduit à Dieu. Nous pouvons résumer cela ainsi : la sainteté est l’oeuvre de Dieu, et notre collaboration est aussi l’oeuvre de Dieu : donc tout est grâce, comme le disait sainte Thérèse de Lisieux !

Propos recueillis par Marie-Ève Bourgois

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