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Le fléau des enlèvements au Nigeria

© CC0, Getty Images/iStockphoto

« Nous vous demandons de prier pour les pères Mathew David Dutesmi et Abraham Saumman. » Cet appel du diocèse de Yola, dans l’État d’Adamawa (nord-est du pays), s’inscrit malheureusement dans une série noire. Des assaillants se sont introduits par effraction dans le rectorat où ces prêtres résidaient et les ont enlevés au matin du 22 février. Et l’on était sans nouvelles d’eux au début de la semaine suivante. Quelques jours plus tôt, le 12 février, un autre prêtre, le père Livinus Maurice, était enlevé avec deux laïcs, alors qu’ils se rendaient à l’hôpital pour une visite. Ils ont été secourus par l’action des forces de sécurité nigériane. Le 6 février, le père Concilius Manjak Danulak avait lui aussi été enlevé. Quelques jours après, il était parvenu à fausser compagnie à ses agresseurs. Mais le 28 décembre, le père Tobias Chukwujekew Okonkwo était assassiné par des malfrats. Ces cas ne donnent qu’une idée confuse et minimale du fléau des agressions contre des personnes désarmées au Nigeria, regrette l’agence catholique allemande KNA.

Le nombre exact des enlèvements et tentatives d’enlèvements s’avère en effet difficile à dénombrer avec exactitude. Au vu des données qu’elle a récoltées, l’agence considère 2024 comme l’année la plus dangereuse pour le clergé nigérian. Elle calcule aussi qu’entre septembre 2022 et août 2023, 21 prêtres catholiques ont été tués. Les motivations des preneurs d’otages varient du simple banditisme à la volonté explicite de faire fuir les communautés chrétiennes. Ils visent en particulier les prêtres, religieuses et catéchistes, mais ils s’en prennent aussi à des laïcs. Sœur Maria, spiritaine nigériane décrit la situation dans l’État de Kodi, au centre-nord : « Personne ne sait qui va être enlevé, emmené dans la brousse et violenté. Parfois, les ravisseurs empochent la rançon mais tuent tout de même les personnes enlevées ou leurs familles. »

Mgr Mathew Kukkah, évêque de Sokoto, au nord-ouest du Nigeria, dénonce l’absence de réponse franche de la part des autorités. Il craint que face à la situation de déliquescence de son pays, les Nigérians, même les plus pacifiques, finissent par s’organiser en milices armées. « Les Nigérians perdent progressivement l’espoir que leur gouvernement les protège », constate-t-il. Avec d’autres chefs religieux, il use de son autorité morale pour réfréner l’appétit de vengeance des chrétiens dont il a la charge. Mais il craint que son attitude pacifique ne finisse par être interprétée comme de l’aveuglement, voire de la complicité avec un gouvernement défaillant. « Notre coupe de chagrin déborde. Nous avons pleuré assez de larmes. Nous pouvons continuer à prétendre que nous ne sommes pas en guerre, mais en vérité, une guerre est menée contre l’État et le peuple nigérian. »

(Source : Aide à l’Église en Détresse 21/2/2025)

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