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Le fléau des « blasphèmes » au Pakistan

© CC0, www.justifit.fr

Le nombre d’accusations de « blasphèmes » dans la République islamique du Pakistan a encore augmenté durant l’année 2024, rapporte le Center for Social Justice. Selon cet organisme, 344 cas ont été reportés. 70 % des accusés étaient des musulmans, 14 % des ahmadis (musulmans dissidents), 9 % des hindous et 6 % des chrétiens.

Bien que les musulmans soient majoritaires parmi les victimes, les membres des minorités religieuses sont proportionnellement surreprésentés parmi ceux que l’on soupçonne de « blasphème » contre la religion islamique, le « prophète » Mohammed ou ses proches. Les ahmadis, par exemple, qui sont à peine 2 % de la population, subissent une pression toute particulière. Considérés comme des hérétiques par les musulmans majoritaires, ils sont encore plus détestés que les membres d’autres communautés. Chaque fois qu’une enquête sérieuse est menée sur ces « cas de blasphèmes », elle révèle l’innocence des accusés et la malveillance de voisins jaloux. C’est en particulier ce que permit de démontrer l’affaire Asia Bibi (mère de famille catholique condamnée à mort et finalement exilée), au retentissement mondial. Mais bien d’autres innocents ont subi un sort pire encore, comme l’infortuné Nazir Gill Masih, chrétien pakistanais battu à mort l’an dernier par une foule en colère. Elle avait été excitée par des rivaux commerciaux de cet homme de 72 ans qui possédait une fabrique de chaussures.

L’expérience prouve que la législation sur le blasphème ne permet pas de canaliser les accusations, comme on pourrait l’espérer, en permettant aux accusés de se défendre avec l’aide d’un avocat. Elle a au contraire tendance à focaliser l’attention de groupes extrémistes de plus en plus déchaînés. Une grande partie des musulmans sont consternés par les scènes auxquelles ils assistent dans le Pakistan obsédé par la « pureté » religieuse.

Zarrar Khuhro, journaliste pour la chaîne arabe Al Jazeera, dénonce le cas d’une touriste violemment agressée par une foule en colère dans les rues de Lahore. La victime de l’agression était elle-même musulmane, couverte selon les normes islamiques et accompagnée de son mari, mais sa robe portait des caractères arabes. Un Pakistanais déclencha une émeute en prétendant qu’elle portait des extraits du Coran. Ce qui était faux en l’occurrence, mais comme la plupart de ses compatriotes, il ne lit pas l’arabe. « Quand bien même il se serait agi d’extrait du Coran, je crois pouvoir dire qu’une grande majorité des musulmans n’aurait pas cautionné ce qui suivit », avance Zarrar Khuhro. La femme fut prise à partie, molestée, mais sauvée par l’intervention de la police. Elle a ensuite participé à une vidéo glaçante, dans laquelle elle a dû présenter ses excuses, en pleurs, pour avoir offensé les sentiments religieux de ses coreligionnaires. Dans la même vidéo, ses agresseurs prétendaient qu’elle était responsable de ce qui lui été arrivée, car son vêtement portait à confusion. « Bref, c’est sa faute s’ils sont assoiffés de sang, sa faute s’ils sont ignorants », conclut tristement le journaliste d’Al Jazeera.

L’aggravation de ces tensions internes, ajoutées aux tensions entre le Pakistan et l’Inde, mettent les membres de minorités religieuses, dont les chrétiens  (2 % de la population), dans une situation de danger permanent.

(Sources : Christian Post 04/05/2025 et Al Jazeera 29/02/2025)

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