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Les trois acteurs de la persécution des chrétiens au Pakistan

Drapeau du Pakistan / © Pexels

« Les minorités religieuses au Pakistan souffrent de trois pressions conjointes : celle de l’État, celle des islamistes extrémistes et celle d’une population majoritaire sûre de sa suprématie ethnico-religieuse », résume Mgr Shukardin. L’évêque d’Hyderabad se rend à Paris à l’occasion de la Nuit des Témoins, proposée par l’Aide à l’Église en Détresse (AED) le 22 novembre et profite de cet évènement pour faire connaître la terrible réalité vécue par les chrétiens dans son pays, qu’il juge méconnue.

Cette situation est pourtant bien documentée. Le prélat peut en parler d’autant plus légitimement qu’il occupe le poste de Président de la Commission Justice et Paix (CJP). Cette Commission documente les atteintes à la liberté religieuses depuis 1985. Et ses rapports révèlent une aggravation continue des atteintes à la liberté religieuse, en particulier à l’égard des chrétiens, ultra minoritaires au Pakistan. Selon un recensement réalisé en 2023, parmi les 241 millions de pakistanais, 96,4 % se déclarent musulmans. Les chrétiens ne représenteraient que 1,27 % de la population, et leur proportion tendrait à diminuer.

Selon Mgr Shukardin, cette tendance s’expliquerait par les pressions multiples subies par les chrétiens. L’une des plus criantes concerne les accusations fallacieuses de blasphème. Il rappelle que le 18 septembre dernier, Shagufta Kiran, mère de famille de 40 ans, a été condamnée à mort pour « blasphème », et qu’elle est toujours en prison. Son cas ressemble beaucoup à celui d’Asia Bibi. En fin de compte, cette femme condamnée à mort pour blasphème avait été reconnue innocente et libérée en 2019. À cause de cette tragique affaire, elle avait passé presque 10 années de sa vie en prison, mais la justice pakistanaise avait démontré qu’elle pouvait rétablir la vérité. Cinq ans après sa libération, tout le travail d’information semble être à refaire, regrette le prélat. Non seulement des Pakistanais et singulièrement des Pakistanais chrétiens, continuent à être condamnés pour blasphème, mais les cas se multiplient.

C’est notamment à cause de cybercriminels qui ciblent les minorités religieuses. Ils envoient des messages contenant des images ou des contenus jugés offensants pour les sentiments religieux. Lorsque le destinataire répond, l'expéditeur feint l'ignorance, affirmant qu'il n'a jamais envoyé de tels messages mais il va se servir de ce message pour accuser le destinataire de blasphème. Cette stratégie est particulièrement insidieuse car elle utilise des enregistrements numériques contre la victime, la plaçant dans une position vulnérable avec des répercussions juridiques et sociales.

La CJP a aussi émis un rapport sur la douloureuse question des mariages forcés de jeunes filles appartenant à des minorités religieuses. Selon ce document, un millier de jeunes filles seraient enlevées de la sorte chaque année par des musulmans qui prétendent qu’elles les ont épousés de leur plein gré après s’être converties à l’islam.

À côté de ces cas de persécutions dramatiques, une multitude de vexations moins visibles frappent les chrétiens, dénonce Mgr Shuardin. Toutes leurs interactions avec des musulmans sont entachées de préjugés. « [Les musulmans] se montrent réticents à serrer la main d’un chrétien, ne veulent pas partager un repas ou s’asseoir avec lui », constate le prélat. Les chrétiens subissent des moqueries pour leurs croyances. Il leur est reproché de « croire en trois dieux » et de « boire de l’alcool ». Leur apparence physique aussi est moquée, car ils ont généralement une peau plus sombre que celle des autres Pakistanais.

Dans les écoles à majorité musulmanes, les minorités sont appelées « kafirs » et les chefs religieux contribuent aux préjugés en décourageant les musulmans de souhaiter Noël ou Pâques aux chrétiens, actes de politesse et de bienveillance qu’ils qualifient de péchés.

Cette attitude contrevient à la Constitution du Pakistan, qui intègre la liberté religieuse, rappelle l’évêque. La voix de la communauté internationale est écoutée dans son pays, et il espère que son message sera reçu et relayé, pour que le gouvernement de son pays soit confronté à ses contradictions.

(Sources : Aide à l’Église en Détresse 19/11/2024)

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