Le Christ libère de la mort éternelle
Quelles sont les différences entre le jugement particulier et le Jugement dernier ? Que se passe-t-il lors de notre mort terrestre pour notre corps et notre âme ?
Chacun d’entre nous comprend qu’il est une personne unique formée d’un corps particulier et d’une âme, principe de vie de cette matière organique qu’est le corps. Cette âme, chez l’homme, est dite « spirituelle », car directement créée par Dieu au moment de la conception : « Dieu insuffla dans les narines de l’homme le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant » (Gn 2,7). C’est ce que rappelle le Catéchisme de l’Église Catholique au no 362 : « La personne humaine, créée à l’image de Dieu, est un être à la fois corporel et spirituel. [...] Le terme "âme" désigne, dans l’Écriture Sainte, la vie humaine ou plus précisément toute la personne humaine. Il désigne aussi ce qu’il y a de plus intime en l’homme et de plus grande valeur en lui, ce par quoi il est plus particulièrement image de Dieu : "âme" signifie le principe spirituel en l’homme. » Le corps donne à l’âme son individualité. C’est pourquoi, c’est bien l’âme de quelqu’un qui existe en son corps, et cette âme spécifique ne peut pas être l’âme d’un autre, comme le pense la croyance en la réincarnation. Au moment de la mort organique du corps, l’âme, parce que spirituelle, capable de Dieu, est immortelle.
LE JUGEMENT PARTICULIER
Dès qu’il est mort, le corps organique devient inanimé (étymologiquement « sans âme »). L’âme va se retrouver séparée du corps. Elle n’est pas libérée, comme le pensait Platon, mais elle subit un « manque », une privation contraire à sa nature qui est d’animer ce corps-là particulièrement. L’âme demeure donc au-delà de la mort corporelle et se présente devant Dieu. C’est cela que la foi chrétienne appelle le « jugement particulier » qui réfère la vie de chacun au Seigneur Jésus-Christ : « Chaque homme reçoit dans son âme immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier qui réfère sa vie au Christ, soit à travers une purification, soit pour entrer immédiatement dans la béatitude du Ciel, soit pour se damner immédiatement pour toujours. Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour » (Catéchisme de l’Église Catholique, no 1022). Lors de ce jugement particulier, trois issues nous sont alors présentées :
- entrer immédiatement dans la béatitude du Ciel pour ceux dont la vie terrestre a exprimé totalement l’amour reçu de Dieu ;
- le purgatoire qui, en nous purifiant, nous ajuste plus parfaitement à l’immensité de l’amour de Dieu ;
- la damnation immédiate et pour toujours, si nous refusons Dieu librement et en toute connaissance de cause. On ne peut pas être damné malgré soi.
LE PARADIS
Le paradis, dans le livre de la Genèse, est le jardin de Dieu (Gan Elohim) où l’homme et la femme vivent dans son intimité et possèdent l’accès à « l’arbre de vie » qui signifie, dans toutes les traditions anciennes, l’immortalité surnaturelle. L’humanité, ayant voulu se faire comme Dieu, s’est séparée de son Créateur. Mais Dieu, dans sa grande bonté, n’a pas voulu laisser l’homme à sa condition mortelle. Après avoir multiplié les alliances avec lui, il a pris la condition humaine en son Verbe, son Fils, pour l’élever à la condition divine par l’adoption dans son Fils Jésus, le Christ. Ainsi, notre humanité se trouve élevée à une condition bien supérieure à sa nature ordinaire.
Lorsque Jésus parle de paradis, il est en train de mourir sur la Croix. Il s’adresse à ce malfaiteur qui, dans un acte de foi extraordinaire, se tourne avec confiance vers lui : « Souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume. » Jésus lui dit alors : « En vérité, je te le dis, dès aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (Lc 23,42-43). Ici, Jésus affirme que sa mort ouvre les portes du paradis. Ce paradis n’est pas un lieu objet d’une description particulière, d’un fantasme projeté à partir de l’imaginaire connu, mais une relation fondamentale que suggère ce « avec moi ». Ainsi, l’essence même du paradis est d’être dans une communion d’amour avec Dieu, au-delà du temps et de l’espace. Cette vie éternelle n’est pas un écoulement du temps infini, mais une connaissance intime et inlassable de Dieu. La vie divine à laquelle l’homme est appelé à participer consiste à entrer dans cette communion céleste qui le comble parce qu’elle répond à sa soif d’amour et à sa recherche permanente du bonheur.
LE PURGATOIRE
Le purgatoire n’est ni un lieu ni un temps particulier. Le mot lui-même, employé au XIIe siècle, a pu faire penser à un lieu. Il s’agit plutôt d’un état. Ce n’est pas une punition infligée par Dieu, c’est une purification qu’il opère en purifiant et transformant lui-même la personne, pour qu’elle s’ajuste à son amour infini. Cette purification est attestée par les écrits de l’Ancien Testament au deuxième Livre des Maccabées, aussi bien que par ceux du Nouveau Testament, en particulier chez saint Paul, et par toute la tradition des Pères de l’Église et de la liturgie la plus ancienne.
L’ENFER
L’enfer nécessite une juste compréhension. Quand le mot est employé au pluriel, « les enfers », il signifie tout simplement le séjour des morts appelé en hébreu shéol et en grec hadès. Jésus n’est pas allé en enfer, mais il est descendu au séjour des morts pour libérer ceux qui en étaient prisonniers. Quand le mot est employé au singulier, l’enfer signifie la séparation d’avec Dieu, tout comme le paradis est la communion parfaite d’amour avec Dieu. L’enfer est un « état d’auto-exclusion définitive de la communion avec Dieu et avec les bienheureux » (CEC no 1033). L’Église a toujours affirmé l’existence de l’enfer et son éternité. En revanche, elle n’a jamais désigné ceux qui y sont allés. On ne peut se trouver en enfer que si on l’a délibérément voulu, en toute connaissance de cause, par refus de l’amour infini de Dieu. La damnation éternelle est le signe du respect infini de la liberté de Dieu pour chacun d’entre nous.
Pour comprendre la différence entre l’enfer et les enfers, il faut savoir que, sans le Christ, les deux expressions sont synonymes mais, avec le Christ, les enfers – le séjour des morts – ne sont plus l’enfer.
LA PAROUSIE, LE RETOUR GLORIEUX DU CHRIST
La Résurrection accomplie par le Christ nous montre qu’à l’origine, Dieu nous a créés corps et âme. Il veut que nous entrions tout entiers dans son intimité, c’est-à-dire dans la communion d’amour qui le constitue comme Dieu unique en trois personnes, Père, Fils et Esprit Saint. Le Christ a promis de revenir dans la gloire. Ce retour s’appelle la parousie. À ce moment-là, Jésus sauvera l’homme tout entier, corps et âme, et récapitulera toute la création. L’humanité sera portée à sa plénitude et chacun sera glorifié avec son corps et son âme, car le Christ est venu sauver tout l’homme.
Peut-être vous posez-vous la question : s’agira-t-il d’un retour à l’état antérieur ? Ce n’est pas une perspective particulièrement réjouissante, surtout pour ceux qui ont vécu dans la misère ou dans la maladie. Mais sachez qu’à la résurrection, nous serons d’une beauté éblouissante, tout en restant parfaitement nous-mêmes. Saint Paul appelle cela un corps glorieux, plus précisément un corps céleste incorruptible et spirituel (pneumatikon) différent du corps terrestre qui est un corps naturel (psuchikon). L’âme retrouvera ce corps qui, alors transfiguré par l’amour que Dieu porte à chacun, sera d’une beauté retrouvée et infinie.
Le Jugement dernier, au retour du Christ, manifestera les temps ultimes où la création s’achève dans l’éternité de Dieu. Ce jugement sera la récapitulation de la vie humaine et la plénitude de l’amour, qui est la vocation suprême de l’homme, corps et âme. Jésus affirme ce jugement dans l’Évangile de saint Matthieu (25,31-33 et 46) : « Le Christ viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges, il placera les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. [...] Et ils s’en iront, ceux-ci à une peine éternelle, et les justes à la vie éternelle. » Le Catéchisme précise que la résurrection des morts des justes et des pécheurs précédera le Jugement dernier (Ac 24,15). Celui-ci apparaît comme la parole définitive sur l’histoire.
En conclusion, nous pouvons dire à partir de l’enseignement de l’Évangile que le Christ libère de la mort éternelle. Celui qui refuse que le Christ ouvre les portes du séjour des morts la referme sur lui. Il demeure hors de la communion d’amour pour laquelle il est fait et à laquelle il est appelé. Or, la vocation éternelle de l’homme est d’aimer comme Dieu nous aime, ainsi que le Christ le rappelle dans son commandement : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jn 15,12).
Quel magnifique message d’espérance !
Mgr Michel Aupetit
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