Actualité en bref 

Les chrétiens du califat

État de Sokoto, Nigéria / © CC0, via Wikimedia.

À l’extrême nord-ouest du Nigeria, la minorité chrétienne a le sentiment de ne plus avoir sa place sur cette terre, agitée par l’islamisation de la société et par la violence des groupes extrémistes. Si les attaques terroristes islamistes font les gros titres des journaux, ce qui frappe au premier abord lorsque l’on pénètre sur ce territoire, c’est plutôt l’omniprésence de l’islam ordinaire, constate un contact de l’Aide à l’Église en Détresse qui s’est rendu sur place.

À longueur d’affiches et de slogans, les autorités locales glorifient l’ancien Califat de Sokoto, qui avait son centre ici au début du XIXe siècle. Le tombeau du fondateur de cet empire éphémère, Ousmane Dan Fodio, est un centre très visité, ou de nombreux musulmans viennent se recueillir. Réformateur religieux, écrivain et homme d'État peul, l’homme a mené un djihad victorieux, laissant à sa postérité un vaste et opulent territoire. Ses chroniqueurs insistent aussi sur l’importance qu’il accordait au peuple ; il le traitait avec humanité et justice. Mis à part les esclaves, bien entendu, sur les épaules desquels reposaient la richesse de ce nouveau califat.

Bien évidemment, les chrétiens n’ont pas le bon rôle dans ce roman national local, leurs ancêtres appartenaient pour la plupart aux peuples réduits en esclavage. Lors du ramadan qui a débuté au mois de mars 2025, ils ont vu avec inquiétude une nouvelle mesure prise pour renforcer l’emprise de l’islam sur ce territoire : toutes les écoles ont été fermées durant la période du jeûne. Y compris les chrétiennes, bien entendu. « C’est un test », avertit un prêtre catholique de Sokoto. « Si les autorités fédérales ne réagissent pas, cette interdiction deviendra la norme. » Pour l’heure, aucune condamnation n’a émané du pouvoir séculier nigérian et seule la Conférence des évêques du Nigeria a violement protesté, sans recevoir de réponse.

Cette mesure confirme l’emprise de l’islam dans l’État de Sokoto. Il n’en avait pourtant pas besoin, car de toute évidence cette religion domine l’espace public. Il y a des mosquées à chaque coin de rue, l’appel du muezzin se fait entendre à fond de volume et toutes les femmes, même les non-musulmanes, sortent voilées. Sur le plan législatif, les autorités revendiquent de fonder leurs textes de loi sur la charia. Les églises, discrètes, n’ont pas de croix apparentes et sont ceintes de hauts murs pour éviter d’attirer l’attention sur elle.

Pourtant, l’évêque de Sokoto, Mgr Matthew Hassan Kukah, souligne que la foi des chrétiens demeure forte et continue d'être un témoignage de résilience et d'unité. Il se réjouit en particulier du très grand nombre de vocations sacerdotales dans son diocèse. En fait, ce nombre est si grand qu’il devient problématique : le séminaire est obligé de refuser trois candidats sur quatre !

(Source : Aide à l’Église en Détresse 18/03/2025)

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