7 ans dans le couloir de la mort pour « blasphème » au Pakistan
Trois ans après sa libération, Shagufta Kausar témoigne de son expérience traumatisante dans les geôles pakistanaise. Cette chrétienne et son époux, Shafqat Emmanuel, ont été condamnés à mort pour blasphème en 2014 par un tribunal local, avant d’être acquittés par la Cour suprême de Lahore le 3 juin 2021.
« Je n’avais même pas de téléphone portable à l’époque où on m’a accusé d’avoir envoyé un SMS blasphématoire à un imam local », se souvient Shagufta Kausar. Elle a néanmoins été arrêtée et mise à l’isolement dans des conditions épouvantables. Souffrant de la chaleur, de la faim et de l’éloignement de sa famille, elle trouvait son réconfort dans sa foi : « La seule chose qui m’a nourrie et qui m’a donné la paix, c’est la foi en Jésus-Christ. »
Dès son entrée dans la prison, les geôliers lui ont demandé de se convertir à l’islam, ce qu’elle a fermement refusé. Son mari a reçu la même proposition, régulièrement et avec insistance. Il a répondu de la même façon que son épouse. Les deux prisonniers ont subi des mauvais traitements, voire des actes de tortures, destinés à leurs faire avouer leurs crimes imaginaires. Shafqat Emmanuel a été pendu par les pieds et battu dans ce but, mais il n’a pas cédé.
L’une des pires tortures, pour Shagufta Kausar, a été d’être privée de la visite de ses enfants. Elle n’a pas pu les voir pendant trois ans. Et lorsqu’ils ont pu la visiter, elle a découvert qu’ils vivaient dans la peur des enseignants et des autres enfants. Emmenés dans un centre de protection de l’État, ils étaient ostracisés comme « progéniture de blasphémateurs ».
Pendant ces sept années, les époux s’attendaient à être exécutés à tout moment et voyaient le temps s’étirer sans que leur situation juridique ne progresse. Ils ont heureusement été soutenus par leurs familles qui les ont aidés à obtenir une assistance juridique. Le Parlement européen s’est saisi du sujet en portant une résolution en avril 2021 sur les lois relatives au blasphème au Pakistan et en prenant l’exemple de ce couple. Le Parlement a souligné l’incompatibilité entre les lois sur le blasphème - contraires au droit international - et les avantages commerciaux dont bénéficie le Pakistan, ce qui amanifestement inquiété le gouvernement et a permis au couple de se sortir de sa terrible situation.
Mais Shagufta Kausar rappelle que beaucoup d’autres Pakistanais se trouvent dans son cas. Dans la société pakistanaise, un simple soupçon de blasphème peut déclencher une action judiciaire impitoyable, ou pire, une réaction populaire incontrôlable. La question du « blasphème » fait peser une pression continue sur les Pakistanais, et tout particulièrement ceux qui appartiennent à des minorités religieuses, comme en témoigne Shagufta Kausar : « Même les choses les plus banales peuvent devenir compliquées pour nous, car n'importe quel voisin peut nous accuser. »
Du point de vue des magistrats pakistanais, les affaires de blasphèmes sont très difficiles à traiter en raison des pressions qu’ils subissent de la part des groupes musulmans extrémistes. Ils sont encouragés à punir lourdement les accusés, alors que selon la Cour suprême du Pakistan elle-même, la majorité des « affaires de blasphèmes » se basent en réalité sur de fausses accusations.
(Sources : Aide à l’Église en détresse 28/08/2024 et Amnesty international 09/06/2024)
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