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Ces chrétiens qui restent en Terre Sainte

Vue sur Jérusalem Est / © CC BY SA 4.0 Edmund N Gall, Wikipédia.

« Chaque jour, 50 personnes meurent à Gaza en ce moment », rappelle Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de Terre Sainte magazine. Les chrétiens de Terre Sainte qu’elle côtoie vivent chez chacun des belligérants et subissent un conflit qui les dépassent. Ils représentent 1 % de la population de Cisjordanie et 1,5 % de celle d’Israël, un petit reste qui n’est pas épargné par la guerre mais qui refuse d’y prendre part. Ils se tiennent donc sur une ligne de crête périlleuse, qui les rends susceptibles d’être attaqués par les deux camps. Le cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche des latins de Jérusalem, résume cette attitude en déclarant : « Je suis le cardinal de ceux qui sont bombardés et de ceux qui bombardent. »

Dans la mosaïque des peuples qui habitent en Terre Sainte, les chrétiens israéliens vivent la situation la plus ambiguë. Beaucoup d’entre eux ont une identité chrétienne difficile à cerner. Ils partagent la même culture que les Juifs mais se sentent proches des Palestiniens, parmi lesquels se comptent des frères chrétiens. « Ils ne peuvent pas dire qu’ils sont Palestiniens, ni dire qu’ils sont Israéliens après ce qui s’est passé », résume le père Jonny Abu Khalil, depuis Haïfa.

Considérés comme des ennemis par les militants palestiniens, ils sont suspects aux yeux de l’administration israélienne. Certains d’entre eux n’ont pas de statut légal et peuvent être expulsés du pays par les autorités de l’immigration. Le père Piotr Zelazko, vicaire patriarcal du vicariat de Saint-Jacques, témoigne : « Des raids [des descentes des services d’immigration] se produisent généralement pendant les vacances, parce que lorsqu’ils sont à l’école, leurs amis et leurs enseignants israéliens les défendent. Mais en été, vous pouvez vous débarrasser des enfants, donc ils disparaissent et il n’y a personne pour protester. » Le prêtre constate un raidissement de l’administration qui refuse à présent de concéder la nationalité israélienne, même à ceux qui seraient prêts à effectuer leur service militaire. Après les attentats du 7 octobre, il imaginait qu’Israël se montrerait conciliant car le pays a besoin de bras, mais il s’est heurté à la politique du gouvernement actuel qui préfère « garder Israël pur ». « Ils utilisent vraiment ce langage, c’est douloureux à entendre », précise le prêtre.

De l’autre côté des murs, les chrétiens palestiniens ont une identité religieuse très marquée. Beaucoup ont résisté à la tentation de l’émigration, car ils ont le sentiment d’être les pierres vivantes de l’Église sur la terre que Jésus a foulée. Mais leur situation devient critique, avertit l’un d’entre eux, Raffi Ghattas, journaliste chrétien de la Jeunesse de la Patrie de Jésus. Il décrit son propre dilemme : « Dans notre culture, nous ne quittons pas la maison de nos parents avant de nous marier, donc les gens continuent à vivre avec leurs parents. Je veux partir, mais je ne peux pas le faire sans me marier. À 27 ans, je n’ai pas les moyens d’avoir ma propre maison, donc je ne peux pas me marier. » Ceux qui parviennent tout de même à se marier et à avoir des enfants n’en ont qu’un ou deux. Il faut un salaire complet de l’un des conjoints pour juste couvrir un loyer. Les jeunes en âge de fonder un foyer, souvent surdiplômés et polyglottes, ne peuvent pas s’empêcher de penser qu’ils auraient une vie bien plus facile dans un autre pays.

À Haïfa, Jaffa, Taybeh ou Hébron, il est devenu pratiquement impossible aux chrétiens de travailler en raison des barrages mis en place par l’armée israélienne depuis le 7 octobre 2013. À Jérusalem, 50 % d’entre eux sont au chômage, à Bethléem le pourcentage atteint 75. Pourtant, il y a quelque semaine, la communauté chrétienne de cette ville était en liesse. Un couple de jeune chrétiens – 23 et 24 ans - fêtait ses fiançailles. Ils déclaraient : « Nous ne partirons pas, nous fonderons notre famille ici. Il faut tenir la flamme de la foi chrétienne là où le Sauveur est né. »

(Sources : Terre Sainte magazine 8/10/2024 et Aide à l’Église en Détresse 7/10/2024)

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