Nouvelle offensive contre la Papouasie chrétienne

Dimanche 20 octobre, le nouveau président de la République indonésienne, Prabowo Subianto, a été intronisé. Il devient le 8e homme à occuper ce poste dans l’histoire et s’inscrit dans la droite ligne tracée par le premier d’entre eux, Soekarno. Militaire, nationaliste, musulman et javanais comme l’était le premier président, Prabowo est intimement lié, par ses relations familiales, à plusieurs des présidents successifs, et a engagé comme vice-président le fils de son successeur ! Une véritable dynastie s’installe à la tête du pays.

Prabowo n’a jamais été attaqué sur son passé. Il a pourtant servi comme officier durant l’épouvantable guerre menée par l’Indonésie contre le Timor oriental (1975-1979), où l’on vit la population chrétienne massacrée. Il a ensuite dirigé des forces spéciales contre les indépendantistes papous.

Ses défenseurs assurent que le passé militaire de Prabowo est un atout, car cela lui permettra de résoudre l’interminable conflit qui ravage les régions indonésiennes de Papouasie orientale. Dans cet espace annexé en 1976, les forces de sécurité indonésiennes traquent les opposants, interdisant toute revendication politique. Même les organisations humanitaires sont incapables de déployer leurs projets dans cette région, à moins de dépendre du gouvernement indonésien. Dans ce contexte, avoir à la tête de l’État un homme qui a l’expérience de l’armée serait un avantage si l’on en croit les optimistes : « Il a l’expérience suffisante pour contrôler les militaires en Papouasie et peut être qu’il saura contrôler les ultranationalistes de Jakarta qui s’opposent à la paix », imaginait Rumkabu, maître de conférences à l'Université Cendrawasih de Jayapura.

Ces espérances ont été douchées dès le lendemain de la prise de pouvoir de Prabowo. Le 21 octobre, son ministre de la Transmigration, Muhammad Iftitah Sulaiman Suryanagara a déclaré qu’il avait été chargé par le président d’entamer un processus de transmigration vers l’Est de l’Indonésie, en particulier la Papouasie. En substance, il s’agit de favoriser l’installation d’Indonésiens de l’Ouest dans cette partie occidentale de la Nouvelle-Guinée qui a été annexée par l’Indonésie. La rendre plus indonésienne, c’est-à-dire moins papoue et moins chrétienne.

« Il faut s’assurer que la Papouasie devienne une part intégrale des États-Unis de la République d’Indonésie en termes de bien-être, d’unité nationale », assurait Iftitah lors de l’annonce du processus de transmigration. « Derrière les annonces qui assurent que le gouvernement se soucie du bien-être de la population, le gouvernement opère à un vol du territoire des Papous », analyse un militant indépendantiste papou. Les Indonésiens qui ne représentaient pratiquement aucune proportion de la population de Nouvelle-Guinée y seraient aujourd’hui aussi nombreux que les Papous. Année après année, les autochtones deviennent minoritaires sur leur propre territoire, au profit d’une population qui ne partage ni sa culture ni sa religion.

Markus Haluk, directeur du Mouvement uni de libération de la Papouasie occidentale constate que le gouvernement utilise des méthodes multiples pour transformer sa société. « L’appauvrissement des églises mené de manière systématique et méthodique est un des modes opératoires », constate-t-il. Il ajoute que l’administration se montre intransigeante envers ceux qui souhaitent construire un temple ou une église. Alors qu’elle se plie à toutes les demandes de construction de mosquée « l’espace public est de plus en plus colonisé par le muezzin », regrette-t-il.

(Sources : Tempo.co 22/10/2024 ; Benar News 20/10/2024)

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