Le Nicaragua s’enfonce dans la nuit totalitaire
Arrestations arbitraires, coups, tortures, isolement prolongé, privation de sommeil, de nourriture et de soins, voilà le sort que la dictature des époux Ortega réserve aux prisonniers politiques et à leurs défenseurs. Ces exactions sont dénoncées par la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH), organe autonome de l'Organisation des États américains. Ce rapport de la CIDH s’appuie sur les témoignages de 135 personnes exilées au Guatemala, dont des missionnaires et des laïcs catholiques. Ils indiquent qu’au moins 36 personnes sont toujours emprisonnées illégalement au Nicaragua.
Ne mettant plus de limites à la dictature qu’il exerce avec sa femme, Rosario Murillo comme vice-présidente, le président Daniel Ortega multiplie les suppressions d’institutions de la société civile : 5 600 ont ainsi disparu du pays depuis le début des manifestations antigouvernementales en 2018.
Première cible : l’Église catholique. La pression des autorités politiques contre ses membres et ses structures n’a cessé d’augmenter au cours de l’été. Le 9 juillet, comme nous l’avions alors signalé, le statut légal de Radio Maria a été annulé. Fin juillet, le père Frutos Valle, 80 ans, nommé à la tête du diocèse d’Estelí après l’arrestation et l’exil de Mgr Álvarez Lagos, a été arrêté. Quelques jours plus tard, c’était le tour d’autres prêtres, dont le recteur du séminaire de Matagalpa. Puis, sept prêtres appartenant aux diocèses de Matagalpa et d’Estelí ont été bannis du pays et envoyés à Rome où ils sont arrivés le 8 août. Deux autres prêtres et une agente pastorale ont été incarcérés les 10 et 11 août. Le lendemain, la personnalité juridique de Caritas à Matagalpa a été annulée, avec confiscation par l’État des biens mobiliers et immobiliers. Le même sort a frappé quatorze autres ONG du diocèse.
Après s’être attaqué à l’Église catholique, son clergé et ses institutions, le régime étend la répression aux évangéliques, pentecôtistes et baptistes, ainsi qu’à des organisations telles que Save the Children Canada. L’accusation passe-partout contre ces institutions est qu’elles détourneraient l’argent qu’elles reçoivent pour affaiblir le régime sandiniste. Désormais, celles qui voudraient continuer à fonctionner devront collaborer étroitement avec les organes de l'État. Autrement dit, devenir des rouages du régime totalitaire. Le tout assorti d’une mesure vexatoire envers les Églises : elles devront payer des impôts sur les offrandes et les dons.
Le dictateur a aussi transmis à l'Assemblée nationale un projet de réforme du code pénal renforçant les peines encourus pour des « crimes » contre l'État et l'administration publique. Les personnes condamnées pour atteintes à l'intégrité nationale verront leur peine d'emprisonnement portées à 30 ans (au lieu de 15 ans précédemment) voire à la prison à vie pour des « crimes » jugés plus graves.
Le 11 septembre, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme (HCDH) a exprimé sa « profonde inquiétude », devant ces attaques « contre la liberté de religion et la liberté d'association ». En un an, les conditions se sont dramatiquement détériorées, déplore le HCDH qui cite notamment la répression continue contre les membres de l'Église catholique et d'autres confessions chrétiennes, et même contre ceux qui se trouvent hors des frontières du pays, « des proches d'opposants au gouvernement, y compris des enfants, étant victimes uniquement en raison de leurs liens familiaux ».
Le Pape s’est adressé aux Nicaraguayens à l’issue de la prière de l’angelus, le 25 août dernier : « Au peuple bien aimé du Nicaragua : je vous encourage à renouveler votre espérance en Jésus. Souvenez-vous que l’Esprit Saint guide toujours l’histoire vers des projets plus hauts. Que la Vierge Immaculée vous protège dans les moments d’épreuve et vous fasse sentir sa tendresse maternelle. Que la Sainte Vierge accompagne le peuple bien aimé du Nicaragua ! », s’est exclamé François.
(Sources : Vatican News 25/08/2024, 30/08/2024, 11/09/2024)
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